Introduction

Cet article prône un retour à la sagesse, à la raison, au bon sens, au contrôle de ses émotions et à l’humilité. Qualités qui se perdent aujourd’hui mais qui n’en demeurent pas moins de véritables vertus.

L’étude du stoïcisme me semble primordiale de nos jours où l’émotion règne et prime sur la raison. Cette philosophie m’a personnellement beaucoup apporté et m’a fait grandir, et c’est une des principales raisons qui m’a poussé à en faire un article. Je souhaite à travers ce court ouvrage être capable de vous transmettre les fondamentaux de celle-ci, en espérant sincèrement qu’elle vous soit aussi bénéfique qu’elle ne l’a été pour moi.

Chers lecteurs, je vous souhaite une agréable lecture.

Qu’est-ce que le stoïcisme ?

Le stoïcisme nait à Athènes, fondé par Zénon de Kition, aux alentours du IIIe siècle avant J-C, et est une des principales philosophies de la période hellénistique avec l’épicurisme et le scepticisme. La philosophie hellénistique désigne l’ensemble des courants philosophiques de la période hellénistique. Ces courants sont institués à Athènes et se différencient des écoles socratiques. On y retrouve ainsi les grands courants du platonisme, de l’aristotélisme, du scepticisme, de l’épicurisme et du stoïcisme.

Cette période hellénistique succède aux conquêtes du bassin oriental de la Méditerranée et de l’Asie par Alexandre le Grand jusqu’à la période romaine, de 323 av. J-C à 30 av. J-C.

Relativement méconnue et trop souvent négligée, cette époque témoigne pourtant d’un grand dynamisme, tant par l’importance des échanges économiques et culturels que par la diffusion de la langue grecque, de l’Orient antique jusqu’à l’Empire romain, alors fortement hellénisé dans sa moitié orientale. Considérée parfois comme une période de décadence, notamment à cause du déclin d’Athènes, cela n’empêche cependant pas certaines villes comme Alexandrie, Antioche ou Pergame de rayonner et d’émerger, ce qui va ainsi grandement contribuer à l’expansion de la culture grecque et à sa propagation dans l’Empire romain.

On retrouve ainsi le stoïcisme dans la Rome antique et dans la Grèce romaine où il prospère jusqu’au IIIe siècle. On distingue alors plusieurs périodes dans le stoïcisme :

L’ancien stoïcisme, fondé par Zénon de Kition, dont il ne reste que très peu de traces écrites aujourd’hui, qui théorise l’univers comme une logique et définit la sagesse comme la connaissance des lois qui régissent l’univers entier ;

Le stoïcisme moyen, très présent à Rome au IIe siècle avant J.-C. grâce à l’école stoïque fondée par Panétios de Rhodes, qui met l’accent sur les aspects religieux et moraux de la doctrine. Panétios et son disciple, Posidonios, vont largement contribuer à la popularité du stoïcisme à Rome, notamment en orientant leur doctrine vers la philosophie morale et les sciences naturelles, ce qui attire les romains.

Et le stoïcisme romain, rendu célèbre par Sénèque, Epictète ou Marc Aurèle, plus centré sur l’Homme et qui se définit par l’acquisition de la sagesse grâce à la vertu.

L’empereur romain Marc Aurèle est d’ailleurs considéré comme le dernier grand philosophe stoïque de cette période.

Au IVe siècle, le christianisme étant devenu la religion d’État, le stoïcisme est de moins en moins présent. Il ne connait un regain d’intérêt conséquent qu’à partir de la Renaissance, avec le néo-stoïcisme ; et de l’époque contemporaine avec le stoïcisme moderne.

À l’instar des autres grands courants de la philosophie hellénistique, le stoïcisme est une philosophie de l’éthique, c’est-à-dire relative à la morale, influencée par un système logique et ses vues sur le monde naturel. L’Homme doit viser à maintenir une volonté qui soit en accord avec la nature. Selon les stoïciens, tout est enraciné à la nature, l’individu doit par conséquent comprendre les règles de l’ordre naturel pour mener une bonne vie : la meilleure indication de la philosophie d’un individu n’est pas ce qu’il dit, mais comment il se comporte. En ce sens, le stoïcisme est une philosophie pratique : c’est une rationalité pratique, une connaissance fondée sur un savoir et l’action de l’Homme qui le mène au bonheur, à la vertu.

Enfin, cette philosophie peut être considérée comme un panthéisme : Dieu est le Monde. Le Monde est un organisme parfait. La philosophie stoïcienne est une philosophie de la totalité, c’est un tout cohérent, consciemment systématique, qui se divise en trois parties :

  • La physique, ou la recherche sur le monde et les objets qu’il contient ;
  • L’éthique, qui concerne l’action ;
  • Et la logique, ou dialectique, qui concerne le discours.

Comprendre le stoïcisme

Pour les stoïciens, la vertu est le seul bien pour l’Homme. Les éléments extérieurs comme la santé ou le plaisir ne sont ni bons ni mauvais en eux-mêmes. Ces éléments ne sont en réalité pour les stoïciens qu’une « matière sur laquelle peut agir la vertu ». Ils considèrent également que nos émotions résultent d’un jugement et que nos émotions négatives, voire destructrices, ne sont fondamentalement qu’une erreur d’appréciation ou de jugement du monde réel. Le bonheur pour l’Homme réside ainsi dans l’acceptation du moment tel qu’il se présente : l’Homme, pour accéder au bonheur, ne doit pas se laisser contrôler par ses jugements, ses appréciations, ses émotions et doit utiliser son esprit pour comprendre le monde tel qu’il est et non comme ses sentiments l’interprètent. Pour de nombreux stoïciens, comme Sénèque ou Épictète, la vertu suffit pour le bonheur. Le sage est émotionnellement résistant au malheur. Le bonheur dans le stoïcisme désigne l’indépendance, l’indifférence, le détachement vis-à-vis des circonstances extérieures. Descartes, célèbre philosophe français, notamment influencé par cette philosophie, déclara à ce sujet :

« Il vaut mieux changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde. »

Le bonheur réside dans l’acceptation de ces différents éléments. Être « stoïque » consiste d’abord à comprendre le monde, l’ordre naturel, le « Tout » cohérent. L’Homme, en tant qu’individu, doit dans un premier temps prendre conscience qu’il n’est pas maître de tout. Qu’il possède à la fois une part d’arbitre, de « construction personnelle », permise par ses agissements, ses pensées ; mais également une part de déterminisme à laquelle il ne peut échapper. L’Homme possède ce qu’il construit et ce dont il hérite. Ne pouvant pas tout contrôler, l’individu doit accepter le fait d’être limité, dépassé : qu’il ne peut échapper à ses déterminismes et ne peut agir sur eux.

L’appel à l’humilité, la première libération

Cette première prise de conscience est un appel à l’humilité de l’Homme vis-à-vis de sa propre condition : il est un individu conscient, mais limité. Dépassé et impuissant face à ses déterminismes. Ainsi, certaines choses ne dépendent pas de l’individu. L’individu selon les stoïciens n’a, en quelque sorte, qu’un pouvoir d’action limité, étant lui-même limité par des déterminismes qui le dépassent. Et ces déterminismes s’exercent sur lui indépendamment de sa volonté : il est passif, il les « subit ».

Or, prendre conscience de cette notion de déterminisme permet irrémédiablement de se détacher d’eux. Un Homme ne peut se détacher de quelque chose dont il n’a pas conscience. Pour briser ses chaines, l’Homme doit d’abord prendre conscience de ses chaines, comprendre leur mécanisme et comprendre qu’elles l’enchainent avant de les briser. De ce point de vue, la philosophie stoïcienne est une philosophie de la liberté intérieure. Briser les chaines de l’ignorance, c’est comprendre que je ne suis pas « parfait », que je ne suis pas maître de « tout » et accepter que certaines choses me dépassent et s’exercent sur moi. Certaines choses ne dépendent pas de moi. En cela, je ne peux pas être affecté par quelque chose qui ne dépend pas de moi, plutôt, je ne le dois pas.

L’illustration de cette pensée peut être plus aisée avec un exemple concret et frappant : celui de la vie et de la mort. La vie de l’individu est limitée. Son existence tout entière est définie comme une loi de la nature (tout est enraciné à la nature). Si la vie de l’individu est limitée, son existence doit être acceptée comme ayant une fin : l’individu doit apprendre à accepter la mort comme la fin de son existence.

« Vivre, c’est apprendre à mourir. »

La tromperie de l’émotion

La vie est ici perçue comme un travail d’acceptation de la mort, dans le sens où la mort ne doit pas être vue comme une fatalité, mais plutôt comme une nécessité. La nécessité est, par définition, ce qui ne peut pas ne pas être. La vie n’est pas sans la mort. La mort est la condition nécessaire à la vie de chaque individu. Car l’Homme n’est pas infini, il est limité et dépassé. L’individu ne doit pas seulement prendre conscience de la mort, il doit l’accepter. Et l’acceptation de la mort passe par la connaissance de cette dernière comme une nécessité, et non pas comme une fatalité. Le stoïcisme rejette toute notion de fatalité. En acceptant ce principe de nécessité de la mort, de la fin de l’existence, l’individu peut alors s’émanciper de la douleur, du chagrin, de l’angoisse. Une célèbre citation d’Épicure permet de mettre en perspective cette notion de mort et de se détacher de la gravité qu’elle suscite :

« Sans sensations, la mort ne peut nous affecter. Elle n’est donc ni à craindre, ni à souhaiter. Plus logique, la seconde est que la mort ne peut exister pour nous. La vie et la mort s’excluent réciproquement l’une l’autre : « Quand nous existons la mort n’est pas là, et lorsque la mort est là, nous n’existons pas. »

En l’absence de sensations, la mort ne peut pas affecter l’Homme. La compréhension de cette phrase réside dans l’idée que ce sont uniquement les sensations de l’Homme qui le font souffrir. L’angoisse, la peur, l’appréhension, ne sont que des sensations. Ne plus se soucier de la mort, au sens où l’on accepte la mort comme nécessité, revient à ne plus en souffrir.

L’individu angoisse à l’idée de la mort. C’est une projection de l’idée de mort. Une anticipation. Il se projette cette vision, cette idée, par ses ressentis, ses sensations, ses jugements. L’individu n’est plus dans l’instant présent, mais seulement dans une projection.

L’émotion : la source de la souffrance

Chez les stoïciens, l’émotion est appelée la Passion. La passion, étymologiquement, renvoie au Patos, c’est-à-dire à la souffrance. On retrouve ici une nouvelle fois cette association entre « passion » et « souffrance ». La passion, ou l’émotion de l’individu, est donc une création de son esprit. Une représentation qui le fait souffrir. L’individu subit cette création dont il est la victime, dans le sens où il subit la peur, l’angoisse, l’appréhension. Il subit ses émotions puisqu’il n’a pas décidé de les éprouver. Personne ne décide d’avoir peur. Or, nous l’avons vu, ce n’est pas tant la mort qui m’effraie, mais bien l’idée que je me fais de la mort. Ce qui signifie donc que je ne suis pas dans le réel mais dans l’interprétation, dans l’anticipation. L’individu qui vit dans l’anticipation, à l’instar du nostalgique, ne peut par conséquent pas vivre dans le réel, dans le présent, dans l’existence. En anticipant, en subissant ses émotions, l’individu ne se construit qu’une façade du réel, qu’une idée de ce qu’il s’imagine du réel.

Pourtant, ces émotions n’ont aucune conséquence sur le réel. En réalité, ces émotions ne peuvent résoudre le problème puisqu’elles en sont directement la cause.

Lorsque je suis affecté par la peur, la joie, la tristesse, la colère ; bref, par une émotion, je considère que cette émotion n’est que la conséquence d’un élément extérieur qui ne dépend pas de moi. Si j’éprouve une sensation de peur, je considère qu’elle est due à un élément extérieur qui crée chez moi cette sensation de peur. Or, selon les stoïciens, il s’agit d’une erreur. Nos émotions ne peuvent être extérieures à nous-même. Les émotions que nous subissons, que nous éprouvons, ne sont pas dues à un élément extérieur, mais seulement à une non-maitrise de ces dernières. Si je suis envahi par la peur, cela signifie que je me laisse envahir par mes émotions, et donc par conséquent que je les subis. Je suis responsable de mon émotion, je suis donc responsable de ma sensation de peur.

Éprouver de la peur ne fera pas disparaître l’élément extérieur qui me fait éprouver de la peur. Éprouver de la colère ne changera pas la situation qui me fait éprouver de la colère. Je ne dois alors pas être affecté par ce qui ne dépend pas de moi. Je ne dois pas être affecté par la mort, puisqu’elle ne dépend pas de moi. Ainsi, je ne dois pas chercher à changer la réalité, du moins, à changer ma perception de la réalité ; je dois au contraire l’accepter telle qu’elle se présente à moi. Prendre conscience du réel, ce n’est pas seulement le comprendre, c’est l’accepter. J’accepte le réel comme ce qu’il est. Le réel me dépasse : je suis soumis à des déterminismes, à des éléments extérieurs que je ne contrôle pas, je dois ainsi l’accepter et veiller à garder le contrôle de mes émotions.

L’acceptation : le premier pas vers la sagesse

Pour autant, l’acceptation du réel n’est pas perçue par les stoïciens comme une manifestation de la passivité. Il n’est jamais question de fatalité dans le stoïcisme. L’individu n’est pas que déterminisme, il possède aussi un « libre arbitre » : c’est-à-dire, une faculté à se déterminer lui-même.

La morale stoïcienne est une morale de liberté : malgré les déterminismes, malgré le « destin », malgré le fait de ne pas maitriser les causes, l’individu demeure libre de ses opinions. Il est libre de se résigner, de renoncer, d’être passif, de considérer qu’il est dépassé et que par conséquent toutes ses actions sont vaines. Or, dans la philosophie stoïcienne, l’individu qui renonce et se résigne n’est en réalité qu’une nouvelle fois sous l’emprise de ses émotions. L’individu abandonne et renonce par égo. Puisqu’il n’est pas capable par ses actions de changer le Tout, ou le réel, alors il refuse et se résigne à agir. Son renoncement est dicté par son égo : il refuse d’admettre qu’il ne peut changer le Tout. L’émotion dictant l’égo, l’individu cédant par égo, il cède en réalité à son émotion.

L’individu doit tâcher d’agir sur ce qui peut être changé et accepter ce qui ne peut pas l’être. Faire preuve d’humilité. Considérer qu’il n’est pas un Tout, mais une partie du Tout. Considérer qu’il a une empreinte sur le monde sans pour autant considérer qu’il lui appartienne. Marc Aurèle illustre parfaitement ce propos :

« Puissé-je avoir la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses qui peuvent l’être et la sagesse d’en connaitre la différence. »

L’individu doit être en mesure de cerner l’atteignable de l’inatteignable. D’avoir la sagesse de comprendre ce qui dépend de lui, en tant qu’individu, et de ce qui ne dépend pas de lui. Ainsi, l’individu maintient une volonté qui lui est propre et qui est en accord avec la nature. Le Tout chez les stoïciens étant enraciné à la nature, chaque élément, dont l’individu, occupe sa place et joue son rôle. C’est un tout cohérent.

La vanité nihiliste

Vouloir changer l’ordre des choses, vouloir changer l’inchangeable amène indéniablement les individus à l’inaction et à la passivité. Ou pire, pour les plus orgueilleux d’entre eux, à la folie, à la souffrance et au nihilisme. L’exemple de certaines communautés actuelles dites “progressistes” peuvent en témoigner et sont assez révélatrices de ce rejet du réel et de cette vanité consternante de croire que le soleil se lève pour eux. Navré, mais face au réel on ne peut rien. Pravda vítězí.

L’individu désireux de changer un élément qui ne peut pas être changé, ou qui ne dépend pas de lui, ne peut aboutir qu’à l’inaction ou à la destruction. Comment changer un élément qui ne peut pas l’être ? Je ne le peux pas. Je suis donc passif, inactif, puisque chacune de mes tentatives est vouée inéluctablement à l’échec. Et que se passe-t-il si mon égo surdimensionné ne supporte pas cet échec ? Que se passe-t-il lorsque mon désir égoïste n’a pas sa place dans la réalité, étant par définition irréalisable car allant à l’encontre de la nature et des choses ? Et bien, je suis envahi par ma vanité, mon émotion, et préfère haïr, nier, tordre la réalité pour tenter de rendre mon petit désir réalisable. Je ne suis plus dans l’acceptation et la compréhension du monde, mais dans son rejet le plus implacable.

C’est là toute l’ironie de cette situation : en voulant se séparer de la nature, du Tout, je ne fais en réalité que me renier moi-même. Puisque ne pouvant changer le Tout, je ne peux changer ma condition vis-à-vis de ce dernier. Je ne peux pas échapper à quelque chose qui me dépasse. Ce rejet ne fait qu’aggraver ma propre situation de souffrance qui s’exprime par une destruction de mon environnement et m’entraîne irrémédiablement dans ma propre autodestruction. Je suis tellement soumis à mes émotions que je préfère nier la réalité et la détruire que de renoncer à mon désir irréalisable et contre nature. En soit, je préfère détruire ma propre condition que de l’accepter.

La lutte contre nos émotions

Désirer l’impossible est incompatible avec le bonheur et la vertu selon les stoïciens, car l’impossible étant par nature inaccessible, et le désir étant une émotion. L’individu doit apprendre à ne pas céder à son désir s’il veut atteindre le bonheur. Le désir étant une émotion, il s’exerce sur l’individu indépendamment de sa volonté. Il ne choisit pas de désirer tout comme il ne choisit pas d’éprouver une émotion.

Par essence, l’individu désire ce qu’il n’a pas, ce qu’il ne possède pas.

Est-il alors question de combler tous nos désirs pour accéder au bonheur ?

Le bonheur chez les stoïciens ne consiste pas à satisfaire le désir, au contraire. Satisfaire son désir, c’est-à-dire combler le manque, est en réalité la manifestation de notre impuissance et de notre soumission à lui. Le désir est une émotion. Céder à son désir revient à céder à une émotion : à la peur, à la colère, ce qui résulte d’un manque de contrôle de nos émotions, et donc par conséquent de notre soumission à elles. Nous ne pouvons pas désirer ce que nous possédons. Le désir est donc bel et bien un manque, une absence que l’on cherche à combler.

Si nous décidons de lui céder, et donc de combler ce désir, celui-ci ne sera satisfait que temporairement. Une fois le désir comblé, nous en éprouvons un suivant. Puis, une fois le suivant comblé, nous en éprouvons un autre. Et ce, indéfiniment, inlassablement.

Si nous désirons ce que nous n’avons pas, combler nos désirs revient donc à tout posséder. Or, nous ne pouvons pas tout posséder, puisque nous ne sommes nous-mêmes que partie du Tout. Chercher à combler l’ensemble de nos désirs nous condamne à remplir sans fin un tonneau troué, à l’image des Danaïdes. Cette métaphore du tonneau percé se retrouve également dans la philosophie platonicienne, qui considère le bonheur comme un tonneau percé : le tonneau partiellement vide étant le désir, remplir le tonneau de manière à ce qu’il soit plein serait donc le bonheur, l’état de plénitude. Or, ce tonneau est percé, puisque notre bonheur est un sentiment éphémère. Il s’use, se consume avec le temps. Puisque nous désirons constamment ce que nous n’avons pas, remplir le vide, c’est-à-dire le désir, en le comblant, c’est-à-dire en cédant à notre désir, ne donne qu’une illusion de bonheur, c’est-à-dire d’un tonneau plein.

Nous ne pourrons jamais remplir pleinement un tonneau percé. Nous ne pourrons ainsi jamais être heureux en satisfaisant nos désirs et en leur cédant. Nous ne pourrons donc jamais atteindre le bonheur en cédant à nos désirs. En désirant, nous sommes soumis à une émotion. En étant soumis à une émotion, nous ne pouvons pas accéder à la liberté et au bonheur. Nous devons par conséquent veiller à combattre et à vaincre notre désir pour ne plus dépendre de lui.

Vaincre l’émotion : accéder à la liberté, à la sagesse et au bonheur

Le stoïcisme se détache de toute émotion. L’émotion est une illusion dont l’individu doit se libérer s’il veut pouvoir percevoir le monde tel qu’il est. L’émotion agit comme un voile, comme un filtre qui l’empêche de cerner la réalité telle qu’elle est. Ses émotions le trompent. Un individu qui dépend de son émotion est un individu esclave de sa propre émotion. Ses émotions le rendent esclave, il les subit, n’ayant pas choisi de les éprouver.

Pour atteindre la sagesse, l’individu doit ainsi combattre ses émotions. Dans la philosophie stoïcienne, le but de l’Homme est l’accession au bonheur par la sagesse. La sagesse représentant la condition du bonheur. Pour accéder au bonheur, l’individu doit être sage. Pour accéder à la sagesse, l’individu doit comprendre le monde et l’accepter. La vision du monde chez les stoïciens est une vision déterministe, c’est-à-dire qu’il est déterminé en vertu du principe de causalité. Chaque élément, chaque force, chaque mouvement qui se produit dans l’univers est régi par une cause. Les causes précédent tout ce qui se produit dans l’univers. Tout ce qui se produit dans l’univers est un effet. Parvenir à identifier ces causes permet de comprendre cette rationalité et cette logique.

En connaissant les causes, nous sommes alors capables de prédire les éléments futurs qui en découlent. Bien que nous ne soyons pas capables d’identifier l’ensemble des causes, nous sommes néanmoins capables de comprendre qu’elles existent. Tout est rationnel dans le stoïcisme, et donc logique. Le Tout est donc parfaitement rationnel et logique.

L’individu étant contenu dans le Tout, en tant qu’élément, il doit ainsi veiller à être parfaitement en osmose avec celui-ci. Pour cela, il doit être enraciné, en accord avec la nature, et se comporter comme cet univers de manière rationnelle et logique. Adopter ce comportement rationnel et logique permet ainsi à l’individu de se libérer de ses émotions et d’accéder à la liberté, à la sagesse et donc au bonheur. Cette philosophie peut être perçue comme un appel à l’humilité et à la sagesse. C’est une philosophie de l’esprit et de l’action. Notre bonheur ne dépend que de nous et de nos actions. Cette invitation de Marc-Aurèle résume parfaitement cette idée :

« Tout est opinion. Et l’opinion dépend de toi ».  

Conclusion

Cette philosophie aura une influence remarquable sur les cultures grecques et romaines et se perpétuera jusqu’à notre époque contemporaine. Les civilisations grecques et romaines ont été parmi les plus prospères et les plus glorieuses de l’histoire de l’Humanité. Elles ont été grandes, belles, puissantes, créatrices. Elles ont laissé derrière elles un héritage d’une richesse inestimable que nous nous devons d’honorer. N’oublions pas nos pères. N’oublions pas ces civilisations qui nous ont tant donné et appris. “L’homme n’est l’homme que parce qu’il se souvient” écrit Anatole France. Elles sont nos modèles, elles sont nos sources. Ne soyons pas vaniteux de considérer que la vie commence à notre naissance et s’arrête à notre mort. Soyons reconnaissants de ce que ces peuples nous ont légué et fier de le préserver. Nous sommes leurs héritiers, leurs descendants. Préservons cette richesse, cet art, cette culture. Élevons-nous. Soyons à l’image de nos glorieux ancêtres et ne sombrons pas dans cette décadence destructrice et séparatiste. Soyons grands, forts, créateurs, vifs, conquérants; tout en étant humbles, sages, réfléchis, enracinés, intègres et justes.

Comme toujours selon notre devise : “Faisons vivre le bon, le juste, le beau.

Pour aller plus loin :

Pensées pour moi-même, Marc Aurèle

Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89poque_hell%C3%A9nistique

https://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophie_pratique#:~:text=La%20philosophie%20pratique%20est%20la,Kant%2C%20la%20philosophie%20du%20droit.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sto%C3%AFcisme