Trois foyers pour un brasier séculaire
Si la guerre commence, c’est parce qu’une crise dynastique frappe la France, agrémentée des problèmes aquitain, écossais et flamand. Le roi d’Angleterre, Edouard III (de la maison, très française, des Plantagenêt), se trouve également être sujet du roi de France par sa possession du duché de Guyenne (Aquitaine) et doit ainsi prêter serment, ce qu’il rechigne à faire. La France est alliée avec l’Ecosse dans l’unique but de prendre l’Angleterre entre deux feux en cas de guerre. Enfin, le roi d’Angleterre restreint le commerce de la laine, cœur de l’industrie flamande, si bien que la région, sous contrôle français, se tourne vers l’Angleterre.
Les belligérants ratent leur entrée (1337-1343)
C’est dans ce contexte qu’éclate la guerre en 1337. Les premières années sont marquées par des campagnes ratées et des difficultés de financement. Edouard III s’allie avec la Flandre. Mais pour ces derniers, s’allier avec le roi d’Angleterre alors qu’ils ont prêté serment au roi de France, c’est être des félons ! Pour y remédier et s’assurer le soutien des Flandres, Edouard III se proclame, en 1340, roi de France. De là vient cette histoire de couronne : c’est uniquement un prétexte. Du reste, Edouard III Plantagenêt est effectivement plus légitime au trône de France que Philippe VI de Valois qui l’occupe. Les Français exécutent des raids sur les côtes sud d’Angleterre. L’Ecosse est attaquée par l’Angleterre. Philippe VI de Valois attaque l’Aquitaine durant été 1338, suivant en cela les termes de l’Auld Alliance. Ce territoire est mal défendu, pourtant les Français échouent. Il faudra s’y prendre à deux fois.
En fin d’année, tout le duché est capturé et le siège est posé sur Bordeaux. Seulement, à cette époque de l’Histoire, ce sont les assaillants qui cèdent en premier dans les sièges : c’est là tout le paradoxe. Les défenseurs, moins nombreux, ont des réserves de nourriture alors que les assaillants vivent sur le pays et épuisent bien vite les ressources. Le siège est levé le 19 juillet 1339. Edouard III, lui, vit au-dessus de ses moyens et n’obtient pas plus de résultats. ,Son offensive de l’été 1338, depuis la Flandre, est inutile. Là se trouve un autre problème de l’époque : la position défensive est bien plus avantageuse, alors les armées se regardent dans le blanc des yeux pendant plusieurs jours, et repartent parfois sans engager les hostilités. Cette manie coûte une fortune aux souverains, pour rien. Les meilleurs, à ce jeu de patience, seront souvent les Anglais.
En 1340, la flotte française adopte une stratégie d’une profonde stupidité et est vaincue par la flotte anglaise durant la bataille de l’Ecluse le 24 juin. Gardons-nous d’aller trop loin : les flottes de l’époque n’en sont pas vraiment, il s’agit surtout de rassembler le plus grand nombre d’embarcations possible. Mais de fait, la France voit son importance maritime réduite d’entrée de jeu. C’est là une variable importante : les Anglais doivent constamment passer la Manche, l’absence d’opposition française en facilite la traversée qui ne reste périlleuse que par les conditions naturelles. A l’époque, lever une armée est aussi compliqué que coûteux. Les offensives prennent généralement la forme de chevauchées. C’est exactement l’exercice auquel se plie Edouard III en France.
La pape, français et de ce fait absolument partial, pousse les belligérants à signer une première trêve en septembre 1340 : la trêve dite d’Espléchain. Pour l’heure, Philippe VI a évité par deux fois le combat, dirige un pays ravagé, a perdu la Flandre mais gagné l’Aquitaine et est ruiné. Edouard III est lui aussi ruiné et annule purement et simplement ses dettes envers les banquiers italiens, qui font faillite.
Pourtant, un nouveau foyer de combats se déclare en Bretagne en 1341-1343. Jean III, duc de Bretagne, meurt sans héritier direct. Jean de Montfort (demi-frère de Jean III) et sa femme Jeanne s’opposent à Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre (nièce de Jean III). La guerre de succession de Bretagne, dite guerre des deux Jeannes, voit s’opposer Anglais (avec Montfort) et Français (Charles de Blois). La guerre est équilibrée, si bien que la trêve de Malestroit, signée en 1343, est nécessaire. Les Anglais tiennent la moitié de la Bretagne, Edouard III est fauché mais populaire. Philippe VI a encore refusé le combat et ne peut attaquer en Aquitaine à cause de la trêve. En fait, Edouard III avait bien besoin de cette trêve pour rétablir ses finances et lancer une nouvelle campagne contre Philippe VI.
D’un désastre à l’autre : la France s’abîme pour une décennie (1346-1358)
Au gré des chevauchées, le territoire français est saccagé. Philippe VI de Valois, roi de France, évite trop souvent le combat et finit par le chercher pour l’honneur. Le 26 août 1346, Philippe VI rattrape Edouard III à Crécy et attaque en large supériorité numérique. Les archers expérimentés anglais, couplés à une incompétence française patente, conduisent Philippe VI au désastre. Ruiné, humilié, le roi est tout de même soutenu par les nobles. Edouard III, lui, prend son temps pour s’emparer de Calais : port essentiel pour le débarquement des prochaines troupes anglaises sur le continent. L’année suivante, un navire génois ramène depuis la Crimée la peste noire. Celle-ci s’installe en Europe de 1347 à 1352, laps de temps durant lequel elle a raison de 25 millions d’âmes, soit 50% de la population européenne. Pourtant, la guerre suit son cours.
Philippe VI meurt en 1350 et laisse place à son fils : Jean II le Bon, dont le règne sera plus désastreux encore. Apparait alors Charles II de Navarre, dit « le Mauvais ». Ce jeune homme de 20 ans, charmeur et au sens politique aiguisé, est également plus légitime que Jean II le Bon au trône de France. En fait, Charles le Mauvais est le fils de Jeanne Ière de Navarre, donc le petit-fils de Louis X : sa légitimité au trône est supérieure à celle d’Edouard III d’Angleterre, qui lui-même était plus légitime que Philippe VI et l’est donc plus que Jean II le Bon. Pourtant, Charles le Mauvais ne réclame pas le trône mais seulement les terres qui devraient être siennes. N’obtenant pas gain de cause, il assassine le connétable (généralissime) de France en 1354 et organise une attaque en Normandie avec les Anglais.
Jean prend peur et le pardonne en lui donnant des terres. Charles le Mauvais, satisfait, annule la campagne anglo-navarraise. Il réitère la manœuvre en 1355 et est de nouveau pardonné et payé par Jean II. En 1356, Charles le Mauvais remet le couvert. Cette fois, Jean II le fait emprisonner et la campagne anglaise n’est pas abandonnée pour autant : des chevauchées anglaises se préparent depuis l’Aquitaine et la Normandie. Jean II décide d’empêcher la concentration des forces adverses à Poitiers. Le 19 septembre 1356, le roi mène son armée contre celle du Prince Noir, Edouard de Woodstock, fils d’Edouard III. La victoire anglaise est totale et le roi Jean, chose rare dans l’Histoire de France, est capturé.
Alors que Charles le Mauvais est libéré par un commando en 1357, un mouvement de contestation, dirigé par un homme nommé Etienne Marcel, secoue Paris. Cette contestation devient une révolte paysanne, nommée « Grande Jacquerie », qui éclate dans le nord du royaume français en 1358. Dans la capitale, Etienne Marcel devient un tyran tandis que Charles le Mauvais gère la défense. Ce dernier vient pourtant d’être pardonné par le dauphin Charles, fils de Jean II le Bon, qui a pris la régence du royaume. Finalement, la Grande Jacquerie est écrasée deux semaines plus tard par les nobles et le dauphin Charles. Ce dernier redresse le pays pendant que son père, prisonnier en Angleterre, tente de faire des traités de paix délirants avec Edouard III.
Ignorer l’ennemi pour redresser le pays (1358-1369)
Contre les Anglais, le dauphin met en œuvre la technique dite du sage ou encore « tactique de la terre déserte » : faute de moyens pour lever une armée, il laisse les chevauchées anglaises sans réponses et fortifie les villes. Or, une chevauchée ne peut guère mener de sièges contre des villes fortifiées. Dès lors, les chevauchées entreprises par les Anglais se font écho dans l’échec et se ruinent en ne raflant aucun butin. En 1360, la trêve de Brétigny est signée. En revanche, la noblesse française se trouve frustrée par le manque de combativité du roi et les paysans désapprouvent de voir leurs champs brûler constamment sans être défendus. Ils payent des taxes précisément pour être protégés ; s’ils ne le sont plus, pourquoi payeraient-ils ? En 1364, Jean II le Bon expire et le dauphin est enfin sacré Charles V, roi de France.
Cette même année 1364, la guerre de succession de Bretagne, qui avait commencé en 1341, prend fin à l’avantage des Anglais. Cette victoire anglaise par champion interposé face à la France donne à Londres un soutien important : Jean de Montfort, anglophile, devient Jean IV, duc de Bretagne. En France, les Compagnies, des hommes de guerre qui, licenciés en l’absence de combats, désolent et pillent le territoire, sont employées des deux côtés pour éviter de lever de réelles armées. Malgré la trêve de Brétigny, les combats se poursuivent au travers de ces mercenaires. Simultanément, une guerre civile se joue de 1351 à 1369 en Castille (Espagne). Véritable lutte franco-anglaise par successeur légitime de Castille interposé, la guerre s’achève par le triomphe d’Henri de Transtamare, soutenu par la France. Cela n’est pas sans conséquence : la Castille peut fournir une flotte à la France.
La France change son destin avec du Guesclin (1370-1380)
En 1370, Charles V prend pour connétable le très compétent Bertrand du Guesclin. Ce breton a fait ses preuves à de multiples reprises, menant au combat des mercenaires et luttant pour la guerre civile de Castille. Charles V l’envoie aux quatre coins de la France où il gagne du terrain avec une rare efficacité : Bretagne, Normandie, Aquitaine, Languedoc. Si bien qu’une trêve est signée en 1375. Edouard III et son fils, le Prince Noir, meurent (en 1377 et 1376 respectivement) avant que la guerre ne reprenne. Jean IV de Bretagne, qui a souffert des attaques du connétable du Guesclin en 1373-1375, se rapproche du roi de France. Les hostilités reprennent en 1377 : du Guesclin attaque avec succès l’Aquitaine. En 1378, Charles le Mauvais, pourtant pardonné par Charles V en 1371, donne le port de Cherbourg aux Anglais pour débarquer sur le continent.
C’est la trahison de trop : la Navarre est confisquée par le roi de France, comme toutes les terres de Charles le Mauvais. Dépossédé, celui-ci meurt en 1387, dans l’oubli. Alors que la Bretagne se montre elle aussi peu fiable, Charles V confisque le duché. Jean IV revient dans le camp français, perdant la confiance des Anglais sans toutefois totalement acquérir celle des Français. Charles V a réglé ses plus gros problèmes. Mais si le Prince Noir et Edouard III sont morts en 1376 et 1377, du Guesclin et Charles V les suivent peu après, en 1380, dans la tombe. La mort de ces quatre hommes plus redoutables les uns que les autres tourne une page. Désormais, les oncles dirigent des deux côtés de la Manche : les rois d’Angleterre et de France, Richard II et Charles VI respectivement, sont mineurs.
Le Grand Schisme d’Occident, les différends religieux prennent l’ascendant (1378-1417)
Mais ce ne sont pas là les seules perturbations de la seconde partie de la décennie 1370. En 1376, le pape, installé depuis 1309 à Avignon, décide de rentrer à Rome. Cette décision, évidemment prise contre l’avis du roi de France (Charles V), est motivée par de graves troubles en Italie. Grégoire XI rentre dans la Cité Eternelle pour calmer les esprits, en vain. Seule la mort l’empêche de quitter Rome, en mars 1378. Contre toute attente, Rome élit très rapidement le pape Urbain VI, en 1378, pour remplacer son défunt prédécesseur. Cette décision est prise sans l’aval d’une partie des cardinaux, restés à Avignon. Alors, lorsque Urbain VI se révèle être un réformateur brutal, les cardinaux d’Avignon, scandalisés, proclament leur propre pape la même année : Clément VII. Le Grand Schisme d’Occident vient de commencer.
Si le roi de France s’est opposé au départ de Grégoire XI, c’est qu’il est avantageux d’avoir le pape sur son territoire. Le puissant pontife était généralement acquis à la France depuis le début du siècle. Alors, le roi de France soutient sans surprise Clément VII. Les Anglais, par pur antagonisme, soutiennent Urbain VI. L’Europe se divise alors en fonction de la guerre de Cent Ans et des alliances du moment. Ainsi, Les Français et leurs alliés castillans et écossais sont clémentistes, tandis que les Anglais, le Saint Empire Romain, la Pologne, la Flandre et la Scandinavie sont urbanistes. Allons plus loin, cela signifie que la seule entité jusqu’alors profondément pacifique pousse désormais à la guerre. Chaque pape excommunie les puissances de l’autre camp, les opérations militaires des uns et des autres sont désormais éligibles au terme de « croisade » car ils luttent, clémentistes comme urbanistes, contre l’Antéchrist, l’Antipape.
La guerre change de visage (1380-1407)
En France c’est Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne (oncle de Charles VI), qui possède la réalité du pouvoir. Son influence est cependant disputée par Louis Ier d’Orléans (frère du roi Charles VI). Outre-Manche, Henry de Lancastre (oncle de Richard II Plantagenêt) prend carrément le pouvoir en 1400. Mort en 1404, Philippe II de Bourgogne laisse place à son fils Jean Ier, dit Jean « Sans Peur ». Cependant, la disparition de Philippe le Hardi laisse l’occasion à Louis d’Orléans de gagner en influence au conseil de régence et d’écarter Jean Sans Peur du pouvoir. Le nouveau duc de Bourgogne décide, en 1407, d’assassiner Louis d’Orléans. C’est alors qu’éclate une guerre civile en France entre les Bourguignons (Jean Sans Peur) et le parti des princes (partisans de la maison d’Orléans, menés par Bernard VII, comte d’Armagnac) alors que le roi Charles VI tombe dans la folie.
Malgré les provocations et les tentations, Français et Anglais ne se font plus officiellement la guerre. Ils ont mieux à faire des deux côtés de la Manche et n’ont pas vraiment les moyens de s’attaquer. Profitant de la relative accalmie dans l’affrontement franco-anglais, les deux camps cherchent à résoudre le Grand Schisme. Pour ce faire, Français et Anglais organisent le Concile de Pise en 1409. La solution qui émane de ce concile pour trancher entre les deux papes est d’en élire un troisième : Alexandre V. Le Grand Schisme d’Occident vient de s’aggraver, il y a désormais trois papes : Benoit XIII à Avignon, Grégoire XII à Rome et Alexandre V à Bologne.
La guerre civile française et son éclipse honteuse d’Azincourt (1407-1422)
Les deux camps font rapidement appel à Henry IV, roi d’Angleterre, qui a tôt fait de se laisser convaincre par le plus offrant. En 1413, Henry IV meurt et laisse sa place à son fils : Henry V. Celui-ci, deuxième souverain de la dynastie Lancastre (la dynastie Plantagenêt disparait avec Richard II, qui meurt mystérieusement en 1400), est militairement très compétent. Henry V débarque en Normandie alors que les Français se sont momentanément réconciliés. Mieux, ils veulent en découdre, « bouter l’Anglois hors de France ». Les Français provoquent le combat le 25 octobre 1415 à Azincourt. L’armée française dispose d’une supériorité numérique écrasante mais est commandée par plusieurs nobles dont la stratégie est d’une stupidité sans nom : la défaite est totale. Henry V jubile.
L’heure est aux négociations : une trêve est proclamée de 1416 à 1417. Henry V en a besoin pour préparer sa prochaine expédition. Jean Sans Peur reconnait le droit de ce dernier au trône de France. En 1417, le Grand Schisme est enfin résolu par l’élection du pape Martin V, qui reconnait officiellement tous les papes précédents et leurs cardinaux. En 1415, l’un des papes avait été déposé et l’autre avait démissionné. L’été 1417 venu, Henry V débarque en Normandie et prend une bonne partie de la région. La guerre civile, elle, reprend en France : Armagnac est à Paris avec le roi fou, Jean Sans Peur est à Tours avec la reine : chacun son pion. Jean prend Paris fin mai 1418, Armagnac est tué par le peuple dans la foulée. Henry se rapproche dangereusement de Paris, que la vérole frappe par ailleurs (20 000 morts).
Jean contrôle le roi et la reine à Paris. Mais un second gouvernement se forme au sud autour du dauphin Charles, fils de Charles VI (et futur Charles VII). En 1419, les deux camps approchent les Anglais. Pour les trois protagonistes, le but est de faire s’entre-tuer les deux autres. Henry est l’homme fort. Cependant, par l’action du pape Martin V, les Français se réconcilient en 1419 et forment une alliance contre les Anglais. Les partis jurent sur l’Evangile et les reliques de la Vraie Croix. Pourtant, le dauphin Charles piège et assassine Jean Sans Peur à leur première rencontre, à Montereau. Philippe le Bon, fils de Jean et nouveau duc de Bourgogne, fait sans surprise alliance avec Henry V.
La guerre civile française reprend ainsi entre le dauphin Charles au sud et le duc de Bourgogne au nord-est. Henry V, qui contrôle Paris, en profite pour assurer l’héritage de son fils, promis à une double couronne. Le traité de Troyes, le 21 mai 1420, assure à Henry la couronne de France après la mort de Charles VI, fou, vieillissant et malade. La reine, Isabeau de Bavière, vient tout bonnement de déshériter son fils, le futur Charles VII. Henry V meurt pourtant peu après, le 31 août 1422, prématurément (35 ans), suivi de près par Charles VI de France (à 53 ans, le 21 octobre), auquel il devait succéder. Son frère Bedford assure la régence du jeune Henry VI qui doit régner sur les royaumes de France et d’Angleterre.
Bedford et la tentative du triumvirat : tout se tient, donc rien n’est stable (1422-1429)
Bedford n’a pas une tâche facile et les alliances sont fluctuantes entre les Anglais, les ducs de Bourgogne et de Bretagne et le dauphin Charles. Car tout se complique. Sous la régence des oncles en France, dans les années 1380, Jean IV, duc de Bretagne, s’est de nouveau rapproché des Anglais. A Jean IV, mort en 1399, succède Jean V, également anglophile. Alors, pour consolider l’alliance entre l’Angleterre, la Bourgogne et la Bretagne, le régent Bedford, le duc de Bourgogne Philippe le Bon et le frère du duc de Bretagne, Arthur de Richemont, se sont arrangés pour devenir beau-frère les uns des autres en 1423. C’est une sorte de triumvirat.
Mais Humphrey, le frère de Bedford, distend les liens avec Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Car si Bedford est régent anglais en France, son frère Humphrey est régent en Angleterre. Et Humphrey, qui a le sang chaud, n’est pas diplomate. Il faut dire, également, que l’Angleterre craint que cette double couronne avec l’immense royaume français n’éclipse l’importance de l’île britannique. Les faits donnent raisons aux Anglais inquiets : les souverains sont longuement absents quand les trêves se brisent. Pour ne rien arranger, de Richemont joue double jeu.
Captif des Anglais après Azincourt (1415), il se considère libre d’eux à la mort d’Henry V (1422). Après la terrible défaite du dauphin Charles à Verneuil (17 août 1424), celui-ci n’a plus de connétable. Yolande d’Anjou, au sens politique aiguisé et influençant grandement le dauphin Charles, lui suggère de le remplacer par Arthur de Richemont. En 1425, Richemont accepte de devenir connétable du futur Charles VII. Ce changement d’allégeance ramène un temps Jean V dans l’alliance avec le dauphin Charles. Mais son territoire est trop éloigné de celui du dauphin … Donc il revient dans le camp anglais en 1428, sous la menace. La même année, les Anglais posent le siège sur Orléans. C’est dans ce contexte qu’apparait, en avril 1429, un personnage symbolique : Jeanne d’Arc.
Jeanne d’Arc : utile mais non décisive, un symbole entre mythe et vérité (1429-1431)
Le mot « symbolique » n’est pas anodin et se traduit par une vérité arrangée. Paysanne inspirée, comme il en existe beaucoup à l’époque, Jeanne d’Arc s’en va effectivement trouver le dauphin. Celui-ci accepte ses services car sa situation est compliquée et il n’a rien à y perdre. Jeanne d’Arc souhaite délivrer Orléans du siège des Anglais. Sa stratégie est d’exécuter une sortie de la ville et d’attaquer frontalement les hommes de Bedford. Cette stratégie, normalement vouée à l’échec, est remaniée par un stratège plus expérimenté et fonctionne. Les Anglais partent le 8 mai 1429. Ce n’est pas un hasard : le siège d’Orléans, commencé sept mois auparavant, coûtait cher à Bedford et la ville ne semblait pas en passe de flancher. Bedford, en réalité, n’attendait qu’un prétexte pour partir. Jeanne d’Arc est utilisée par Bedford comme une excuse pour justifier son échec.
Les Français, qui plus est, obtiennent une grande victoire à Patay le 18 juin 1429. Après la libération d’Orléans, Jeanne d’Arc souhaite emmener le dauphin Charles à Reims, au beau milieu du territoire – hostile – des Bourguignons, pour qu’il s’y fasse sacrer. L’armée de Charles ne rencontre aucune opposition. Ce second exploit s’explique facilement : les villes bourguignonnes n’avaient aucun intérêt à lever une armée pour essayer de barrer le chemin à une armée qui ne faisait que passer. Alors on laissa faire. Le sacre bâclé de Charles VII à Reims (17 juillet 1429) fera écho au sacre bâclé d’Henry VI à Paris (16 décembre 1431). Il n’y aura pas de troisième exploit pour Jeanne d’Arc. Celle-ci, sur le chemin du retour, tente de prendre Paris avec une partie, seulement, de l’armée en septembre 1429. Son offensive est repoussée. Le symbole est brisé, Charles VII veut donc s’en débarrasser.
Charles VII envoie Jeanne d’Arc « délivrer » Compiègne du siège des Bourguignons. Alors qu’elle effectue une sortie, on ferme les portes derrière elle. Capturée, Jeanne d’Arc est vendue aux Anglais qui en font un jugement expéditif dont le verdique est sans appel : le bûcher. Ainsi brûle, le 30 mai 1431, le symbole que fut Jeanne d’Arc.
Charles VII le bien servi, ou la contre-attaque française victorieuse (1435-1453)
La guerre devient alors décousue, entre guerres privées et coups de main, jusqu’en 1435. Bedford meurt cette même année en plein congrès d’Arras qui rassemble tous les partis. Les Français, laissés seuls par les Anglais, se pardonnent et s’allient. Paris tombe de nouveau dans l’escarcelle française en 1436.
Charles VII réforme l’armée et contre-attaque partout. Une trêve, la dernière, est signée en 1444. François Ier, duc de Bretagne après la mort de son père Jean V en 1442, rejoint définitivement Charles VII car négligé par les Anglais. La France unifiée de Charles VII est dans une excellente situation militaire et économique alors que l’Angleterre s’enfonce dans de graves troubles internes. En 1449, Charles VII relance les hostilités et mène une guerre éclair en Normandie, notamment avec la bataille de Formigny le 15 avril 1450, victoire française décisive. Charles VII enchaine avec l’Aquitaine et prend Bordeaux le 30 juin 1451, mettant fin à 300 ans de domination anglaise ininterrompue. Cependant, le roi doit s’occuper de son fils turbulent au sud-est : Bordeaux est repris par les Anglais, sans combattre.
Charles VII, furieux, reconquiert l’Aquitaine et met fin à la guerre de Cent Ans avec la bataille de Castillon, le 17 juillet 1453. Talbot, le chef anglais, vieux mais surtout fortement éméché, donne une victoire facile à la France. C’est la fin d’une guerre sans fin. L’Angleterre, embourbée dans une guerre civile naissante entre la dynastie des Lancastre et celle des York, dite guerre des Deux Roses (1455-1485), ne pouvait plus lutter sur le continent. La même année que Castillon, en 1453, Constantinople tombe à l’autre bout de l’Europe, devant les Ottomans. Cet événement motivera la recherche de nouvelles voies maritimes vers les Indes, pour contourner l’Empire ottoman, provoquant la découverte du Nouveau Monde : les Amériques
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Source (texte) :
Minois, Georges (2010). La guerre de Cent Ans. Paris : Perrin, 832p.
Sources (images) :
http://lepuitdesciences-com.over-blog.com/2015/04/la-dynastie-des-capetiens.html (Philippe VI de Valois)
https://www.alamyimages.fr/photos-images/king-edward-iii-of-england.html (Edward III)
http://cabaret.over-blog.org/article-7043992.html (l’Ecluse)
https://www.bretagneweb.com/histoires/bretagne-guerre-de-succession.htm (succession de Bretagne)
https://www.reddit.com/r/europe/comments/8v1kgi/europe_in_1300/ (l’Europe en 1300)
http://www.cosmovisions.com/JeanIIBon.htm (Jean II le Bon)
http://bramirez.free.fr/charles_le_mauvais.htm (Charles le Mauvais)
https://davedoeshistory.wordpress.com/2018/08/09/the-first-duke-of-cornwall-edward-the-black-prince/ (Le Prince Noir)
https://gw.geneanet.org/loic15?lang=fr&n=capetiens+de+valois&oc=0&p=charles+v+le+sage (Charles V le Sage)
https://www.francebleu.fr/emissions/histoires-du-poitou-avec-patrick-sitaud/poitou/pourquoi-y-a-t-il-un-centre-du-guesclin-a-niort (Bertrand du Guesclin)
https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article2320 (Charles VI le Fou)
https://www.britannica.com/biography/Henry-V-king-of-England (Henry V)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Azincourt (bataille d’Azincourt)
http://bourgogne.over-blog.com/article-925800.html (Jean Sans Peur, duc de Bourgogne)
https://freyr1978.skyrock.com/photo.html?id_article=2906345641&id_article_media=33568491 (carte 1425 environ)
https://en.wikipedia.org/wiki/John_of_Lancaster,_1st_Duke_of_Bedford (Bedford)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Assassinat_de_Jean_Ier_de_Bourgogne (assassinat de Montereau)
https://www.herodote.net/17_juillet_1429-evenement-14290717.php (sacre de Charles VII)
http://duguesclin.free.fr/guerre_de_cent_ans/page/Richemont.htm (de Richemont)
http://www.1000questions.net/fr/jeanne/ (Jeanne d’Arc)
https://citeroyaleloches.fr/decouvrez/personnages/charles-vii (Charles VII)
https://en.wikipedia.org/wiki/Battle_of_Castillon (John Talbot à Castillon)
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Durant cette guerre, les Français posèrent les pieds en Angleterre :
1338 : Débarquement français à Portsmouth. La ville fut entièrement saccagée.
Prise de Southampton. La ville fut pillée et partiellement incendiée.
Raid naval sur l’embouchure de la Tamise.
1339 : Pillage de Sandwich. Raid à Plymouth.
1360 : Débarquement français à Winchelsea.
1377 : Prise de Rye, Hastings et Rottingdean. Mise à sac de Wight, Plymouth, Dartmouth, Portsmouth, Folkestone et Yarmouth.
1385 : Un corps expéditionnaire français débarqua en Ecosse et pilla le nord de l’Angleterre.