1- Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, présentez-vous.
“Bonjour à tous, Anne Trewby, présidente du mouvement Antigones. Je fais partie des cinq femmes qui avaient contribué à structurer et organiser le mouvement après sa création par Iseul Turan et Mathilde Gibelin en 2013. Depuis, j’en suis devenue d’abord la directrice éditoriale, puis la présidente. Je gère donc la production de nos contenus éditoriaux et, avec notre porte-parole Iseul Turan, j’en assure la diffusion.”
2-: Racontez-nous un peu votre jeunesse, d’où venez-vous ? Quel a été votre parcours ? Quels sont vos projets déjà réalisés et vos succès passés ?
“Nous étions cinq fondatrices du mouvement à ses débuts. Nous étions encore jeunes, entre 19 et 24 ans. Trois d’entre nous étaient alors encore étudiantes et deux jeunes professionnelles. Nous venions alors d’horizons très différentes, tant sociologiquement que politiquement. Nous nous sommes rencontrées un peu par hasard, notamment parce que nous étions à l’époque toutes installées à Paris dans le cadre de nos études et de nos professions respectives. La Manif pour tous a été l’occasion de nous revoir et de faire plus ample connaissance, et c’est alors que le mouvement a pris forme.
J’étais pour ma part à l’époque déjà dans le monde du travail, au terme d’études de littérature et d’histoire de l’art et un passage par l’univers de la communication et du marketing. J’avais depuis longtemps une attirance pour la réflexion politique, étant issue d’un milieu plutôt bourgeois et d’intellectuels, qui s’est confirmée avec ces rencontres.”
3-: Qu’est-ce qui vous a amené à lancer votre projet ? Quelles sont les étapes qui vous y ont menées ?
“Ce qui nous a réuni malgré nos parcours différents, ça a été le constat d’une difficulté croissante à vivre nos vies de femme de manière cohérente. Nous nous sentions toutes tiraillées entre nos intuitions sur la question et les injonctions des féministes à refuser non seulement des relations apaisées avec les hommes, mais également toute une vision du monde qui nous semblait pourtant juste, basée sur la complémentarité des sexes et l’existence d’un ordre supérieur méritant notre respect. C’est autour de cette convictions que le sujet de la féminité et du féminisme était en réalité bien plus central que nos contemporains ne le considérait qu’Iseul et Mathilde avaient décidé de créé le mouvement. Au fil de leurs rencontres avec Fanny, Isabelle et moi, c’est ce malaise, cette difficulté nouvelle des femmes à vivre leur féminité, que nous avons voulu mettre à jour. Nous nous sommes rapidement mis d’accord sur les prémisses intellectuelles sur lesquelles nous souhaitions fonder le mouvement : la défense des lois naturelles et de la complémentarité des sexes.
C’est l’infiltration d’Iseul chez les Femen qui a été fondatrice pour le mouvement. Les Femen étaient à l’époque LE mouvement féministe à la mode, qui prétendait défendre les femmes réduites à l’état d’objets par le patriarcat…. En instrumentalisant elles-mêmes leurs corps réduits à l’état d’étendard politique. Le mouvement Antigones s’est donc lancé en réponse à cette incohérence, avec une action médiatique qui nous a d’emblée donné une notoriété certaine.
Pour autant, nous n’avions entre nous cinq que peu d’expérience du militantisme politique. Nous avons donc tâtonné à nos débuts pour trouver la forme adéquate pour le mouvement, entre actions coup de poing et cercle de réflexion. Etant toutes plutôt de formation littéraire et face au constat du manque criant de formation des milieux conservateurs sur les sujets féminins, nous avons finalement opté pour l’organisation de cercles de formation. Nous avons donc monté trois antennes, à Paris, Lyon et Marseille, où nous proposions conférences et sessions de formation. Cette période a été fondatrice pour le mouvement : elle nous a permis d’assoir notre réflexion sur des prémisses intellectuelles solides et a dressé des grandes lignes pour nos publications futures basées sur une philosophie du bon sens.
La vie a suivi son cours ; certaines d’entre nous se sont mariées, ont eu des enfants, se sont lancées dans des projets professionnels prenants. Avec le départ de Paris des cinq fondatrices pour des régions très diverses et l’arrivée d’enfants pour certaines, nous avons dû repenser notre mode d’organisation. Nous avons choisi de privilégier les chantiers réflexion et de publication de contenus autour des questions de la féminité, des rapports entre les sexes et des problématiques d’actualité concernant les femmes.
Nous proposons désormais une émission longue par trimestre, animée par Iseul et moi, le « Café des Antigones », une chronique d’actualité par mois – les deux étant publiés sur notre chaîne YouTube, et nous publions régulièrement des articles d’actualité sur le site de Valeurs Actuelles. Outre ces rendez-vous réguliers, nous participons à diffuser nos propositions avec tous les groupes qui nous sollicitent : conférences dans des groupes militants, des cercles de réflexions, des écoles, formations, tables rondes pour des institutions comme l’IFP, ou encore l’Institut Iliade qui nous avait invitées à son colloque il y a quelques années ; participation à des groupes de réflexion, etc. De mon côté, en parallèle de mon activité en tant que présidente d’Antigones, j’explore de manière plus personnelle les mêmes sujets. J’ai ainsi signé récemment un article sur l’articulation entre amour et politique, « Une juste place pour l’amour », dans numéro 51 de la revue Krisis consacrée, justement, à l’amour. Dans le même temps, j’ai publié à La Nouvelle Librairie, dans la collection Desintox lancée par Claude Chollet pour l’OJIM, une enquête sur l’influence croissante des féministes chez nos contemporains via leur maîtrise nouvelle de l’outil numérique, Les néoféministes à l’assaut d’Internet. Le premier de ces deux textes consiste en une réflexion plus théorique et de principe ; tandis que le second part d’une observation de terrain pour en tirer des conclusions politiques.”
4-: Pouvez-vous nous expliquer plus en détail en quoi consiste vos projets, votre démarche et pourquoi vous faites ce que vous faites ?
“L’objectif d’Antigones, a toujours été de proposer une voix différente sur la féminité, les rapports hommes – femmes et les questions d’actualité relatives aux femmes. Nous voulons aujourd’hui comme hier rappeler nos contemporains à un peu de bon sens face aux propositions idéologues et de plus en plus déconnectées de la réalité des féministes françaises contemporaines et de leurs différents relais politiques et médiatiques. Non, personne n’est en mesure de choisir son sexe : la sexuation humaine est une donnée du réel avec laquelle nous devons composer. Non, les hommes ne constituent pas une classe à part dont l’objectif est d’asservir les femmes ; il y a eu au fil du temps, et notamment dans l’histoire française et européenne, des sociétés plus ou moins favorables à l’épanouissement des femmes, et cette histoire est loin d’être aussi linéaire que les féministes le prétendent.
En somme, nous diffusons à travers nos émissions de formation, nos textes et nos chroniques d’actualité des réponses aux erreurs des féministes et autres partisans de la déconstruction tant sur les sujets de fond que sur les débats circonstanciels que nous voyons régulièrement fleurir dans la presse et dans le débat politique.
Nous souhaitons explorer pour nos contemporains la question de la sexuation. Notre humanité partagée est structurée par la différence sexuelle. Au fil des siècles, en Europe, cette différence a pris la forme d’une complémentarité féconde, dont chaque époque et chaque pays a renouvelé le vécu à travers des lois, des traditions et des habitudes quotidiennes qui lui étaient propres. Si nous défendons cette idée de complémentarité, c’est que nous considérons qu’elle représente une base fondatrice pour toute société sans laquelle il n’y a pas d’ordre ni de stabilité réels possible. La différence des sexes est un repère pour chacun dans l’ordre du monde comme dans l’ordre social. En effet, c’est l’union du masculin et du féminin fertile – dans le cadre politique de la famille – qui constitue la cellule de base de toute société humaine. Le politique se doit donc de préserver à la fois la différence des sexes, mais aussi leur union dans le cadre d’institutions comme le mariage, et leur mixité dans l’espace public. C’est seulement à partir de ces bases que nous pourrons reconstruire une société juste pour nos enfants demain.”
5-: Quelles sont vos principales sources d’inspiration, vos influences et vos références ?
“Nous n’avons pas en soi de « maître à penser ». Nous nous plaçons dans la droite ligne de l’héritage de la philosophie classique européenne, et notamment d’Aristote et de Saint Thomas avec cette importance du respect des lois naturelles ; et également dans l’héritage pluriséculaire des peuples qui nous ont précédé et dont toutes les croyances étaient basées sur ces dualités fondamentales dont fait partie le masculin et le féminin, au-delà de l’existence de variantes propres, et qui ont été largement intégrées par la pensée chrétienne. Autant de sources historiques qui sont d’une richesse évidente et qui nourrissent bien sûr notre réflexion. Nous n’hésitons pas pour autant à puiser dans les réflexions de nos contemporains, avec des références parfois éclectiques allant d’Ivan Illitch à Clouscard en passant par Céline Lafontaine ou encore Michéa, et nous continuons évidemment à nous former sur la pensée de nos adversaires, qu’il s’agisse de féministes comme Simone de Beauvoir, Elizabeth Badinter ou encore Peggy Sastre, ou tout simplement des réflexions politiques du temps.”
6-: Qu’est ce que le conservatisme selon vous ? Et pensez-vous qu’il est important aujourd’hui ?
Le « conservatisme » est devenu un mot valise pour désigner une diversité énorme de courants politiques. En positif, le dénominateur commun des différents mouvements dits « conservateurs », c’est le souhait de voir respecter un ordre des choses, la conviction que sans le respect de cet ordre, la vie en société et la vie humaine, tout simplement n’est pas possible. Dans cette perspective, nous sommes évidemment un mouvement conservateur puisque nous défendons la différence des sexes d’une part, et que la nécessité impérative de tenir compte de cette différence dans l’ordre social d’autre part. Nous pouvons également être taxées de mouvement conservateur à cause de notre défense des « lois naturelles », celles au nom desquelles Antigone, la figure tutélaire que nous nous sommes choisie, se dresse contre les lois injustes du tyran Créon. En négatif toutefois, le terme regroupe des courants tellement divers qu’il finit par faire coexister des points de vue contradictoires sur nombre de questions. L’écologie ou l’économie en sont deux bons exemples, avec des courants dits conservateurs qui peuvent autant défendre le capitalisme libéral tel que nous le connaissons actuellement au nom justement du maintien d’un ordre, comme d’autres – dont nous faisons partie, qui en sont très critiques. A ce titre, l’étiquette mérite d’être précisée : je suis conservateur ne suffit pas à définir une position politique. Il s’agit de préciser l’ordre naturel et social dont nous nous faisons les uns les autres les défenseurs pour pouvoir débattre sans quiproquo
7-: Que pensez-vous du contexte actuel de la société en Europe ? Et à l’échelle du monde ?
“Nous vivons aujourd’hui un effondrement civilisationnel entamé il y a longtemps déjà. Les bases anthropologiques sur lesquelles étaient fondées les cultures européennes sont attaquées depuis longtemps déjà sur plusieurs plans.
Sur le plan intellectuel, les courants de pensée philosophiques et politiques du XXe siècle préparaient déjà le terrain pour les lois liberticides et mortifères qui sont désormais votées à la pelle. Les théories du contrat ont mis à mal la conception traditionnelle de la société comme un corps social unifié et cohérent, dans lequel chaque partie à sa place et participe à un tout dont l’homogénéité ne dépend pas d’une égalité de principe mais d’un destin commun. Elles participent au fantasme d’un individu strictement rationnel et autonome dont le destin est purement individuel et égoïste. La réalité est tout autre : l’homme est par nature un animal social, fait de liens humains. Nous sommes tous fils et filles de, potentiellement père ou mère, frère ou sœur, voisin, collègue, ami… Nous voyons les résultats de cette pensée dans le dévoiement du concept juridique d’égalité, devenu un objectif politique idéologue à travers des lois comme en France la loi-cadre égalité femme-homme pour ne citer qu’un exemple.
Le choix d’ériger le capitalisme non plus seulement en système économique mais en modèle de société participe de cette illusion et de ce délitement de la société ; cette dernière n’étant plus considérée que comme un agrégat d’individus mus par leur seul intérêt égoïste bien compris. Dans ce modèle de société qui n’en n’est pas un, les nations, les frontières, les structures politiques aussi essentielles que la famille n’ont plus de sens. Elles deviennent au contraire, par l’affect qu’elles représentent, les attachements qu’elles impliquent, des freins à la mise en place d’une société idéale. Nous voyons les résultats de ce choix de civilisation à travers les déferlantes migratoires qui grèvent l’Europe et apportent avec elles leur lot de misère humaine, tant du côté des populations immigrées déracinées que du côté des pays d’accueil qui se voient contraintes d’absorber des masses telles d’êtres humains que plus aucune intégration n’est possible.
Le féminisme porte lui aussi sa part de responsabilité dans l’effondrement civilisationnel de l’Europe dans la mesure où il s’est attaqué en premier lieu à la famille, pourtant cellule prépolitique de base nécessaire à la stabilité de la société. En semant le trouble dans les rapports hommes – femmes, en érigeant les hommes en oppresseurs et les femmes en victimes, il a monté les uns contre les autres pour le plus grand malheur des deux sexes. La mixité croissante des sexes dans l’espace public – qui a longtemps en réalité été très limitées et codifiée, a amené des problématiques nouvelles qui n’ont jamais été abordées qu’avec les réponses idéologues de maîtresses à penser qui n’ont jamais eu d’objectif que militant. La pensée féministe prétend réfléchir sur les femmes et les rapports entre les sexes, mais le fait dans un objectif strictement politique. C’est-à-dire que la pensée féministe dès ses départs instrumentalise les femmes, et notamment le corps des femmes, en vue d’objectifs politiques au lieu de commencer par un examen sincère de la réalité. En cela, elle est intrinsèquement dévoyée. Nous en voyons les limites aujourd’hui avec la convergence des luttes entre féministes et autres minorités soi-disant opprimées dans le cadre de la pensée intersectionnelle qui passe de revendication communautaire en revendication communautaire sans jamais aucune prise en compte du Bien Commun.
Nous pourrions égrener ainsi longtemps les domaines dans lesquels la pensée contemporaine a semé les graines du désordre pour qu’ensuite fleurissent les lois et les habitudes liberticides et mortifères qui sont désormais notre quotidien. L’actualité nous en donne un bon exemple avec les dérives totalitaires de la gestion de la crise du Covid. Nous sommes à l’ère de la collectivisation des corps, dans laquelle les décisions de santé des uns et des autres ne sont plus de l’ordre de leur responsabilité personnelle mais des choix politiques de nos élites. Nous sommes à l’ère de la santé à tout prix, où nous préférons une demi-vie en liberté surveillée à la vie elle-même, oubliant que la mort et la maladie font partie intrinsèque de la condition humaine. Nous sommes arrivés à un niveau d’individualisme tel que la génération de nos parents est prête à troquer le gagne-pain de leurs enfants, ou encore la santé de leurs petits-enfants pour quelques années de vie en plus.”
8-: Si vous deviez donner 5 éléments sur lesquels tout français devrait sérieusement travailler au niveau individuel, lesquels seraient-ils ?
Le bon sens
Face au déferlement d’idéologies erronées et mortifères et aux faux-débats qui en découlent, revenons à un peu de bon sens. Nous finissons par nous perdre dans des débats lancés et orchestrés par nos adversaires en perdant de vue les principes fondamentaux qui nous meuvent. Face aux mille et un débats des féministes, pensons à rappeler que la meilleure garantie d’une société juste et de sa stabilité n’est pas seulement la reconnaissance de la différence des sexes, mais aussi la mise en place de tout ce qui peut favoriser leurs rapports harmonieux.
Un autre exemple pertinent d’un lieu déserté par le bon sens, c’est l’univers médical et bioéthique. Nous nous perdons en débats de détail sur les conditions d’exercice légal de telle ou telle technique au lieu de revenir aux bases : avons-nous le droit de court-circuiter la vie à sa base en faisant joujou avec des embryons, que ce soit pour les bienfaits de la science ou pour le plaisir de quelque savant fou ? Avons-nous le droit d’exploiter le corps des femmes pour en extraire gamètes, embryons, fœtus, ou pour en utiliser l’utérus ou le vagin pour le bon plaisir de quelques-uns ?
La responsabilité
Un des grands défauts de notre temps, c’est l’abandon volontaire par la majorité des citoyens de leurs responsabilités politiques. L’exemple le plus récent de cet abandon de nos responsabilités est l’absence de mobilisation face à l’interdiction de l’instruction en famille (le régime d’autorisation n’étant qu’une interdiction déguisée puisque les conditions sont extrêmement réduites et l’approbation soumise au bon vouloir des académies). La majorité n’a guère compris le poids symbolique d’une telle loi, qui met à mal la responsabilité de tous les parents et pas seulement de ceux qui font le choix de l’IEF. Pour pouvoir exercer sa responsabilité de parent, il faut avoir un véritable choix dans les modes éducatifs possibles. Si on réduit l’éventail de son choix – ce qui est déjà le cas pour le privé et le hors contrat puisque les parents paient actuellement deux fois leur choix dans le cas de certains établissements – il n’y a plus de réel exercice possible de la responsabilité parentale.
Toutes nos responsabilités politiques nécessitent pour être exercées la préservation de nos libertés publiques. Sauf que ces responsabilités ont un poids, le poids de la culpabilité en cas d’échec, le poids du jugement social lorsqu’on fait un choix marginal, le poids des conséquences de ses actes, tout simplement. Et c’est un poids qui semble trop lourd à nombre de nos contemporains qui préfèrent vivre une vie d’éternels irresponsables jouissant de leur salaire comme un adolescent jouirait de son argent de poche. Le résultat de cet abandon volontaire de nos contemporains de leurs libertés au profit d’une illusion de sécurité et d’une vie apparemment plus « légère », c’est un état désormais clairement totalitaire, qui s’immisce dans nos moindre choix de vie comme un parent toxique irait dicter à son enfant sous contrôle le moindre de ses actes au quotidien. Il nous faut d’urgence reconquérir nos libertés publiques et nous réconcilier avec l’exercice de nos responsabilités, personnelles, familiales et politiques si nous voulons avoir le moindre impact sur la société qui nous entoure.
La cohérence
C’est justement le nœud du problème dans nombre de ces questions que nous abordons ensemble aujourd’hui. Nos contemporains bradent leurs libertés publiques dans l’espoir d’une illusion de liberté qui pourrait se résumer par la formule « ce que je veux, quand je veux, où je veux ». Ils se scandalisent qu’on cherche aujourd’hui à leur imposer un vaccin expérimental alors qu’ils applaudissaient hier l’obligation vaccinale faite aux parents pour leurs enfants.
Il s’agit pour chacun d’examiner ses propres choix de vie pour les mettre, petit à petit, dans la mesure de sa situation personnelle et de ses moyens, en cohérence avec ses idées. Nous ne parlons pas ici de se marier à tout prix lorsqu’on défend la famille, ou de s’improviser paysan pour se donner une légitimité dans le combat pour la sauvegarde d’une agriculture raisonnée ; mais tout simplement de mener chaque combat de bout en bout, en vérifiant la cohérence de ses propres convictions à tous les niveaux. Lorsqu’on se veut défenseur de la famille traditionnelle, il faut en envisager toutes les problématiques et défendre autant la liberté scolaire ou la liberté vaccinale (au titre de la préservation de l’autorité et de la responsabilité parentale qu’on soit pour ou contre l’IEF ou les 11 vaccins pour les enfants), que la solidarité juridique et financière des époux et la possibilité économique pour les familles qu’un parent se consacre temporairement ou définitivement à l’éducation des enfants. Lorsqu’on milite pour une agriculture saine, respectueuse des hommes, des bêtes et des sols, il semble logique de faire pour soi-même et sa famille des choix de consommation qui soutiennent ce type d’agriculture plutôt que de faire son plein de course dans un supermarché à grands coups de produits issus de l’industrie agro-alimentaire.
La radicalité
Ces réflexions nous amènent au corolaire nécessaire de la cohérence qui est la radicalité. Là encore, enfonçons quelques portes ouvertes pour éviter les quiproquos. Je ne demande pas à chaque femme de faire l’instruction à ses enfants elle-même ou d’accoucher sans assistance dans la forêt pour reconquérir les libertés des autres. Je demande simplement à chacun d’être capable de défendre des choix qui ne sont justement pas les siens par soucis de cohérence et de justice. Je peux vouloir accoucher en hôpital en ayant recours à une péridurale tout en défendant le choix de ma voisine d’accoucher chez elle sans assistance si elle le souhaite au titre de nos libertés individuelles à toutes les deux. Je peux me méfier des dérives potentielles des parents qui pratiquent l’instruction en famille tout en considérant que la possibilité de le faire est nécessaire à un plein exercice de ma responsabilité parentale, même si mes propres enfants sont scolarisés à l’école publique du village.
Nous le voyons aujourd’hui, cette radicalité dans la réflexion politique est particulièrement importante aujourd’hui où nos libertés sont réduites à peau de chagrin.
Le lien communautaire
Face à l’effondrement de notre civilisation, le meilleur espoir pour transmettre une société juste à nos enfants, c’est la vie elle-même. C’est repartir de zéro pour reconstruire sur des bases saines. Laissons s’effondrer pan par pan les institutions, les structures malades de tous les maux que nous venons d’énumérer et reconstruisons dès maintenant sur de nouvelles bases. Fondons nos familles, constituons-nous en réseaux, non pas déconnectés de la société contemporaine, mais au contraire ancrée dans ce qui lui reste de vivant et de réel : liens de voisinage, métiers enracinés, structures et associations locales, pour ancrer nos communautés dans des réseaux d’entraide et de soutien que nous voulons voir perdurer et croître. Fondons nos entreprises, nos écoles et nos formations, nos structures de soin ; pas forcément totalement en marge de celles qui existent, mais avant tout en nous regroupant là où nous sommes pour présenter front uni. Syndicats, associations professionnelles, centres médicaux, « pools » d’entreprises… il y a une diversité énorme de solutions à inventer pour nous permettre de nous constituer en communautés vivantes et solidaires.”
9-: Pouvez-vous nous partager votre ressenti sur la jeunesse d’aujourd’hui ?
“Dans la communication politique actuelle, la « jeunesse » est quasiment devenue un groupe social à part entière comme elle l’est déjà dans l’esprit des marketeurs et autre vendeurs de vide. Or le concept s’avère extrêmement jeune d’une part, et artificiel d’autre part. Le vocabulaire est symptomatique de cette transition qui a accompagné la modernité et les changements civilisationnels récents : à l’origine simple adjectif, « jeune » est devenu un nom commun, un mot valise visant à cacher une réalité plus complexe. Du point de vue des professionnels de la politique, le « jeune » est un adulte qui commence sa carrière professionnelle mais n’a pas encore son PEA en arrière-pensée lorsqu’il dégaine sa carte d’électeur. Du point de vue du sociologue, le « jeune » est une personne issue de l’immigration âgée de 10 à 30 ans dont les crimes et délits devraient être imputés au destin social. Du point de vue du marketeur, le « jeune » est cet éternel enfant qui gagne pourtant sa vie et dont il faut stimuler les pulsions d’achat pour faire vendre autant auprès de sa classe d’âge que des autres. Du point de vue symbolique, le « jeune » est le temps idéal, l’âge de tous les possibles en ce qu’il est un entre-deux entre deux mondes : il autorise l’autonomie, l’indépendance de l’adulte grâce à l’accès à l’argent, mais sans le poids des responsabilités qu’implique l’âge adulte et notamment la responsabilité des ascendants et des descendants.
Sauf que tout cela est un mensonge. Il n’y a pas de « jeunesse » en tant que tel. La jeunesse n’est que le début de la vie adulte : des hommes et des femmes jeunes. C’est tout. Chacun de nous est soit un enfant, soit un adulte – en termes modernes soit un mineur, soit un majeur. Il n’y a pas d’entre-deux possible. La justice se fait encore aujourd’hui le témoin de cet ordre des choses qui a prévalu pendant des siècles : nous naissons et sommes des enfants donc considérés socialement, politiquement et juridiquement comme tels jusqu’à un moment T où nous passons de façon irrémédiable dans la catégorie des adultes. Pendant longtemps cette transition se faisait sous la forme de rituels de passage extrêmement importants dans l’ordre social. Ceux-ci sont morts avec le début de l’ère contemporaine et le combat contre la religion et les communautés naturelles puisqu’ils n’avaient de sens que dans le cadre d’un ordre symbolique et sacré des choses. Ces rituels ont été très pauvrement remplacés par quelques rapides démarches administratives comme la carte d’électeur ou l’accès à la majorité, sans jamais réussir à tenir la place de ces anciens usages. Le résultat, c’est l’émergence de cette pseudo « jeunesse » pensée comme une catégorie sociale à part entière, sorte d’entre-deux-âges où des adultes du point de vue biologique persistent dans des comportements infantiles (« un enfant quand je veux, où je veux… »). La « jeunesse » me semble donc à ce titre être sérieusement perdue aujourd’hui. Ce n’est pas une fatalité pour autant : c’est, dans la continuité de ce que nous évoquions plus tôt, la prise de responsabilités politiques réelles (autorité parentale, devoirs entre époux et envers les ascendants…) qui permettra aux « jeunes » d’aujourd’hui de devenir de véritables adultes. Je remarque d’ailleurs que, bien qu’ils ne soient pas épargnés par la situation que je décris, les milieux conservateurs ont toutefois dans leurs rangs plus de réels « jeunes adultes » que d’autres milieux politiques.”
10-: Beaucoup de jeunes français cherchent à renouer avec leur héritage, quel est le meilleur moyen selon vous d’y parvenir ?
“Il n’y a pas un moyen qui primerait sur les autres. Peut-être à la limite une méthode : je leur recommanderais volontiers de commencer par les domaines et les sujets qui les intéressent et les concernent en premier lieu. Notre travail avec Antigones m’a par exemple offert une magnifique fenêtre sur l’histoire européennes, tant au niveau des faits qu’au niveau des mœurs.
Selon notre histoire, notre bagage, etc. nous allons chacun réinvestir des domaines nouveaux de notre héritage : formation politique, formation intellectuelle, histoire de la pensée, histoire de l’art, chants et danses traditionnelles, costumes, fêtes de village… qu’importe tant que tous les domaines finissent par être investis et qu’ainsi nous puissions nous nourrir les uns les autres. C’est parce qu’un passionné de danse va organiser pour ses amis, sa ville, un bal traditionnel que vont s’y rencontrer un passionné d’histoire et un graphiste qui ensemble pourront monter un projet de livre ou de site internet pour redonner au plus grand nombre le goût de l’histoire de leur continent. De même c’est en voyant ce site ou ce livre qu’une autre aura envie de lancer un blog sur les cuisines locales de son pays.”
11-: Quels sont les principaux dangers qui menacent la civilisation européenne selon vous ?
“Nous avons déjà évoqué plus haut la situation intellectuelle de l’Europe et ses conséquences. J’ajouterai simplement que c’est justement parce que nous avons rompu avec notre héritage intellectuel, culturel et religieux que nous sommes si vulnérables aux attaques extérieures que peuvent représenter l’afflux migratoire, l’Islam ou encore l’individualisme que charrie avec lui le capitalisme érigé en modèle de société.
Nous avons perdu de vue notre héritage, et de surcroit nos communautés naturelles se délitent. Pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut, nous sommes chacun de plus en plus isolés, tant en termes de liens humains que géographiquement. Les déménagements à répétition, les mutations professionnelles, l’attraction professionnelle de la ville… contribuent à éloigner les familles et donc à couper les jeunes foyers comme nos aînés de leurs soutiens naturels. De même les liens de voisinage peinent à se créer de manière durable lorsqu’on sait que de toute façon, nos voisins changeront dans quelques années. Avec l’évolution de la vie professionnelle et la déchristianisation, nous n’avons plus le soutien des paroisses ou des corps de métiers… l’entrée massive des femmes sur le marché du travail a également privé celles qui font le choix de rester au foyer d’un précieux réseau de soutien tandis qu’elle les a jeté dans ce monde d’éternels changements qu’est devenu l’univers professionnel alors qu’elles étaient au contraire auparavant le pilier de ces réseaux de relations humaines qui faisaient nos communautés.
Dans ce contexte, nous n’avons pas d’ennemi unique mais effectivement un faisceau de dangers qui nous menacent différemment selon notre ancrage géographique et notre situation de vie.”
12-: Quels seraient les principaux espoirs et leviers qui permettraient de surpasser ces menaces ?
“Cette situation n’est pas une fatalité pour autant dans la mesure où la meilleure manière de lutter contre cet effondrement et/ou de recréer des bases pour une société plus juste pour nos enfants demain, c’est justement de recréer ces communautés naturelles, de réinvestir notre héritage tant intellectuel et politique et culturel, et de redevenir fiers de cet héritage. Pour insuffler cette dynamique le plus largement possible, commençons par nous-mêmes. C’est à partir de ce point de départ que nous pourrons travailler ensemble ces chantiers à l’échelle de la société pour redonner à chacune de nos nations un destin commun. Il y a un réel chantier à mener du point de vue politique sur la revalorisation de la famille traditionnelle pour favoriser l’entraide communautaire. De même réinvestir une économie réelle et locale me semble la condition sine qua non d’une reconstruction juste de la société, qui permettrait à la fois de sortir de cette urbanisation excessive des populations, de la financiarisation de l’économie et de la paupérisation croissante de parties de plus en plus étendues de la population. L’éducation doit quant à elle remettre au goût du jour les bases de notre héritage européen, tant au niveau de la maîtrise des lettres classiques et anciennes qu’au niveau de l’histoire ou de la géographie. La reconquête de nos libertés publiques, surtout, est le premier chantier à mener. Elle est la condition d’exercice de nos responsabilités politiques. Elle est la base de notre investissement politique. Elle est le garde-fou à toutes les dérives totalitaires actuelles et potentielles.”
13-: Quels sont les personnalités, auteurs, initiatives ou organisations qui paraissent dignes d’intérêts aujourd’hui selon vous ?
“Il me serait difficile de citer un groupe ou un auteur plutôt qu’un autre dans la mesure où je considère que c’est justement la coexistence de combats différents tant sur la forme que sur le fond qui peut seule nous permettre une reconquête de fond de la société. Le camp des conservateurs se perd trop souvent en non-débat visant à hiérarchiser les priorités politiques pour mettre tout le monde d’accord sur un chantier unique à mener et un homme providentiel unique à suivre unanimement. C’est non seulement illusoire mais délétère. Illusoire d’abord parce que ce genre de dynamique ne prend pas en compte la diversité des personnes, des parcours et des situations personnelles qui font que chacun a un domaine d’expertise différent qui lui assure une légitimité sur tel ou tel sujet sur lequel son voisin ne le sera pas. Tous ne s’intéressent pas aux mêmes sujets, et tous ne s’intéressent pas même à la politique. Il faut des femmes pour se battre sur le sujet des congés parentaux ou la défense de la liberté éducative même si elle ne lève pas le petit doigt pour combattre l’immigration massive ou la précarisation de l’emploi, deux sujets dont il faut bien que d’autres s’occupent par ailleurs étant donné leur importance. Parce qu’effectivement, le deuxième problème de ce fantasme de bannière unique, c’est oublier qu’il n’y a pas de sous-sujet. Il y a des chantiers qui relèvent de l’urgence, comme celui des libertés publiques, de l’immigration de masse ou encore de la crise économique, comme des chantiers qui relèvent du long terme comme le respect de la complémentarité entre hommes et femmes, ou encore la revalorisation de notre héritage culturel et de nos identités nationales.“
14-: Y a t-il un sujet qui vous paraît délaissé aujourd’hui ou que vous considérez ne pas voir suffisamment dans les médias ou le débat public ?
“La féminité, la virilité et les rapports entre les sexes évidemment ; sans quoi nous n’aurions pas fondé Antigones !”
15-: Pouvez-vous nous donner un livre, un film et une musique qui selon vous vous représentent, ou auxquels vous tenez ?
“Je ne suis pas sûre que ma réponse soit représentative du mouvement Antigones étant donné la diversité de nos profils, mais la voici tout de même ! Dans les films qui m’ont le plus marqués, je citerai les films de Jean Cocteau, par leur poésie et la profondeur de leur réflexion sur l’art et l’artiste. Pour ce qui est des auteurs, je citerais volontiers Barbey d’Aurevilly, dont j’apprécie autant l’univers que l’écriture, et Bardèche dont la magnifique Histoire des femmes mériterait d’être au programme de toute formation sur la féminité et les rapports hommes – femmes pour battre en brèche les préjugés du temps sur ces questions. En termes de musique, je n’en n’ai guère de préférée en tant que tel, ce que j’aime, ce sont les chants spontanés qui égaient la fin d’un banquet avec des proches ou d’une veillée entre amis.”
16-: Que pensez-vous pouvoir apporter à quelqu’un qui vous découvre ?
“Comme nous l’avons dit plus haut, nos sujets de réflexion sont aujourd’hui peu abordés ou seulement sous l’angle de l’actualité, sans forcément d’analyse de fond. Nous avons derrière nous désormais 8 ans de travaux sur les questions féminines et féministes qui nous donnent une hauteur de vue que d’autres groupes n’ont pas malgré d’autres qualités évidentes par ailleurs. J’ajouterai que nous avons la particularité par rapport à d’autres groupes existants sur le sujet qui sont généralement plus militants de proposer une dimension de réflexion fondamentale et de formation qui nous est propre.”
17-: Quels sont vos projets à l’avenir ? Dans les prochaines semaines et mois, à court terme, mais également votre vision à long terme.
“Nous allons évidemment continuer d’explorer les riches sujets de la féminité, de la complémentarité et des rapports hommes-femmes. Nous gardons également un œil sur l’actualité pour proposer un éclairage de bon sens face aux dictats féministes omniprésents dans les médias. Nous aimerions consolider et professionnaliser nos formats actuels et améliorer notre diffusion grâce à cette professionnalisation. Nous aimerions également pérenniser nos réflexions via la publication d’ouvrages de fond. L’enquête sur la présence féministe sur Internet que j’ai publiée aux éditions de La Nouvelle Librairie a créé un précédent que nous aimerions concrétiser. Le support éditorial reste le plus confortable pour le lecteur pour s’approprier des réflexions de fond. Il permet de lire à son rythme, de poser l’ouvrage, d’y revenir… autant de pratiques que ne permettent pas le format web, plus approprié quant à lui à l’actualité.”
18-: Où peut-on vous suivre ? Sur quel média ou réseau êtes-vous le plus actif ?
“Nous avons notre site internet où sont recensées toutes nos publications : www.lesantigones.fr
Ces publications sont également relayées sur notre page Facebook : https://www.facebook.com/LesAntigones et notre Twitter : https://twitter.com/lesantigones?lang=fr
Nous avons également notre chaîne Youtube sur laquelle nous diffusons régulièrement du contenu audio, et nous l’espérons prochainement du contenu vidéo : https://www.youtube.com/c/LesAntigones
Pour ma part, j’ai également une page personnelle sur Facebook https://www.facebook.com/people/Anne-Trewby/100008878030595/ et sur LinkedIn https://www.linkedin.com/in/anne-trewby-2a79b31a1/?originalSubdomain=fr
19-: Un mot pour la fin ?
“Merci à vous pour cette tribune, et au lecteur pour sa patience et son intérêt.”