1- Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, présentez-vous.

“Je suis historien du droit, des institutions et des idées politiques – docteur en droit, ma thèse de doctorat est consacrée aux idées juridico-politiques d’un juriste du XVIe siècle, Pierre Rebuffe. Faute d’avoir trouvé une place dans l’université française, carrière à laquelle j’aspirais initialement, j’exerce comme avocat depuis 2016 au barreau de Toulouse. A côté de ce travail je poursuis, par passion, mes travaux de recherche et j’ai publié plusieurs livres : Rome, du libéralisme au socialisme (2014), Histoire du siècle à venir (2015), Atlas des guerres à venir (2017), La Structure de l’Histoire (2018), et dernièrement, coécrit avec Léo Portal, Islamogauchisme, populisme et nouveau clivage gauche-droite (mai 2021). Je tiens un blog, Historionomie.net, et depuis un an je présente mes travaux et mes réflexions en vidéo sur Youtube.”

2-: Quel est votre parcours ? Votre jeunesse, vos études, vos projets déjà réalisés et vos succès passés ?

Je suis le fils du milieu dans une famille de trois garçons. Je suis né et j’ai grandi à Toulouse. Je ne suis pas un grand voyageur, je suis plutôt du genre « enraciné », comme on dit. Mes racines sont entre la Bigorre et le Rouergue. J’ai fait mes études de droit à Toulouse et j’y ai obtenu mon doctorat. Mes projets réalisés, ce sont mes livres publiés, mais faire connaître ses travaux est un travail de longue haleine. Le succès honorable de mes premiers livres m’a encouragé dans cet effort.”

3-: Qu’est-ce qui vous a amené à lancer votre projet ? Quelles sont les étapes qui vous y ont menées ?

“Cela a commencé très tôt : je n’avais pas vingt ans quand j’ai écrit les premières lignes sur le sujet de la théorisation de l’Histoire. Je découvrais alors Fondation, d’Isaac Asimov, et le concept de psychohistoire. Cette idée a immédiatement réagi, dans mon esprit, avec les quelques observations sur des parallèles possibles entre histoire antique et moderne qui s’y promenaient déjà – et dont je devais apprendre plus tard, mais uniquement après m’être forgé ma propre vision de l’Histoire, qu’ils avaient déjà été identifiés par des auteurs comme Spengler ou Toynbee. J’ai passé les années suivantes, par intermittence, à tirer le fil de l’intuition. C’est seulement vers 2009-2010 que j’ai vraiment commencé à travailler régulièrement, et à écrire. Et cela a débouché sur les publications dont je parlais, quelques années plus tard.”

4-: Pouvez-vous nous expliquer plus en détail en quoi consiste vos projets, votre démarche et pourquoi vous faites ce que vous faites ?

“Ma démarche intellectuelle consiste à théoriser l’Histoire, en procédant de la même manière que l’on fait toujours en science : observer l’objet que l’on se propose de comprendre, identifier des permanences, des récurrences, des régularités, puis les classer et les ordonner en catégories, sous-catégories, formuler les concepts permettant de rendre compte de réalités sous-jacentes, et décrire la manière dont ils interagissent, s’articulent. Mes livres successifs se rattachent tous à cette même entreprise, abordée sous différents angles. Je fais cela parce que comprendre comment fonctionnent les choses a toujours été un plaisir pour moi, que l’Histoire est ma passion, et que j’ai tôt constaté que pour celle-ci cette démarche de compréhension n’avait jamais été appliquée – ou si peu, et de manière incomplète par les grands auteurs que j’ai déjà cité.”

5-: Quelles sont vos principales sources d’inspiration, vos influences et vos références ?

“Pour ce qui est de mes travaux, cela peut paraître surprenant mais hormis Asimov, je n’ai longtemps pas eu d’autres inspirations. Je n’ai découvert Toynbee et Spengler que tardivement, alors que l’essentiel de mes idées était déjà faites. Depuis, ils nourrissent cependant mes réflexions, ne serait-ce que lorsque je fais une lecture critique de leurs résultats. La découverte des travaux de David Cosandey sur les déterminismes géographiques à l’origine du succès de l’Europe moderne et de la Grèce antique ont eu un grand rôle sur ma vision des choses ces dernières années, et j’ai considérablement progressé dans la construction de mon modèle en intégrant ses concepts de thalassographie articulée et de méreuporie. Par ailleurs, mes réflexions sur l’efficience ou l’inefficience des systèmes politiques sont très fortement influencées par les auteurs de l’Ecole autrichienne d’économie, Friedrich Hayek et Ludwig Von Mises notamment.”

6-: Qu’est ce que le conservatisme selon vous ? Et pensez-vous qu’il est important aujourd’hui ?

“Si je parle en tant que politologue, et en suivant l’exposé que nous en avons fait dans Islamogauchisme, populisme et nouveau clivage gauche-droite, j’aurai tendance à dire que le conservatisme est l’attitude des individus correspondant à la droite modérée, qui veulent conserver l’ordre établi tel quel.

Si je tente en revanche de donner à ce mot un sens idéologique, détaché de la simple réalité politique actuelle, ce qui est vraisemblablement le sens de votre question, je dirai qu’il s’agit d’un positionnement sceptique face à toute volonté de transformation de la société non pas par attachement viscéral au statu quo, mais par conscience de la faillibilité humaine et défiance à l’égard de toute ambition constructiviste, de toute velléité d’ingénierie sociale, et inversement une tendance à se fier à toute tradition ou institution coutumière en ce qu’elles sont des systèmes humaines qui ont fait leurs preuves dans la mesure où ils fonctionnent, et sont bien connus et maîtrisés dans leurs effets pervers, de sorte que jusque dans leurs imperfections ils sont connus et ne présentent pas de danger inattendu pour la société.

C’est peut-être Friedrich Hayek, avec son idée que la prédominance des grandes institutions universelles ou quasi-universelles de la civilisation, comme le mariage monogame, sont le produit d’une longue sélection naturelle qui les a déterminées comme préférables à toute autre forme d’organisation, qui offre au conservatisme sa meilleure justification rationnelle.

Je pense qu’il est toujours important, mais peut-être aujourd’hui plus que jamais, tant les attaques du progressisme contre l’ordre social traditionnel sont profondes et systématiques : quand les communistes demandaient la collectivisation des moyens de production, il s’agissait de s’attaquer à l’institution de la propriété, qui est fondamentale, mais le débat se limitait pratiquement à cela, et la revendication a pu se satisfaire du compromis de l’Etat providence. La gauche actuelle va bien plus loin que cela : les attaques contre le « patriarcat » contestent à peu près tous les fondements de la civilisation installés depuis le Néolithique, et les tenants les plus radicaux de la théorie du genre – qui à la base est un champ de recherche tout à fait valable cherchant à déterminer la part de la culture dans les attributs de genre (vêtements, associations de couleurs, etc) – en viennent à nier les réalités biologiques, cependant que les antispécistes nient la spécificité de l’humain au sein du règne animal. Et les « remèdes » que les « woke » proposent à ces « maux » sont de nature à détruire à peu près tout ce qui fait la civilisation, chose que n’ont jamais fait les communistes, qui se situaient en fait dans la continuité de l’évolution politique pluriséculaire de l’Occident et ne cherchaient à obtenir, en fait, que leur place dans l’ordre capitaliste, leur part du gâteau, pour ainsi dire.”

7-: Que pensez-vous du contexte actuel de la société en Europe ? Et à l’échelle du monde ?

“C’est une bien vaste question !  Mais si je veux essayer de l’aborder d’une manière un peu originale, ce sera encore en me référant à mes travaux : l’Europe moderne suit la trajectoire de la Grèce antique, sur tous les plans, et plus largement l’Occident suit celle du monde gréco-romain. La société occidentale est actuellement dans l’état où se trouvait le monde gréco-romain entre le IIe siècle avant notre ère et le IIe siècle de notre ère – et il faut dire que nous semblons suivre le même chemin d’évolution sociétale que nos aînés antiques, mais en accéléré, depuis la fin du XIXe siècle.

D’abord, il y a la mutation des moeurs et du modèle familial traditionnel : Polybe nous a ainsi laissé le témoignage du mal qui touchait toute la Grèce à son époque dans laquelle les jeunes gens ne se mariaient plus guère, et lorsqu’ils se mariaient ne faisaient qu’un ou deux enfants afin de les élever dans le luxe, et il identifiait dans ces nouvelles habitudes la cause de la dépopulation du monde hellène. L’Europe est touchée par le même phénomène de vieillissement des populations, la baisse de la fécondité, pour des raisons semble-t-il assez similaire tenant à un climat de fin de l’Histoire dans laquelle, collectivement, certains ressorts de la vigueur démographique se distendent ou se cassent.

Il y a par la suite la libération sexuelle et le brouillage des repères moraux traditionnels : il suffit de lire pour cela Juvénal et Martial, très critiques de leur temps, pour comprendre que le mariage homosexuel ou ce que l’on appelle les questions de genre, la « fluidité » et la transexualité ont également connu une sorte de mode dans la société romaine des Ier-IIe siècles de notre ère – et il est vraisemblable qu’il en allait de même en Grèce.   Tous ces maux qui paraissent souvent inédits aux protagonistes d’aujourd’hui ne le sont en fait nullement, les Grecs et les Romains sont passés exactement par les mêmes stades auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, et il faut bien constater que cela dénote une proximité avec la fin de la civilisation, même si celle-ci n’est pas immédiate. Mais, comme je l’ai dit, nous semblons traverser ces phases de déclin au pas de charge, comparés aux Anciens, et les problèmes suivants, ceux des Grandes Migrations ou invasions barbares, paraissent de fait déjà là.”

8-: Si vous deviez donner 5 éléments sur lesquels tout français devrait sérieusement travailler au niveau individuel, lesquels seraient-ils ?

“Ils sont tous nécessairement un peu liés, se répondent.

La culture, en particulier historique, pour ne pas se laisser abuser par les vents changeants de la modernité, non plus que les comparaisons souvent très superficielles de commentateurs sans profondeur.

L’ouverture d’esprit, car le conservatisme, auquel je me rattache, n’est pas synonyme de crispation et d’étroitesse, mais la quête des formules les plus efficaces pour l’humanité, et avant que de les conserver, il faut bien les découvrir. Le conservatisme ne doit pas se transformer en conformisme, et pour cela il est impératif d’être curieux de tout.

Je conseille également de rejeter ce trait de la pensée moderne qu’est la spécialisation dont Heinlein disait à juste titre qu’elle est bonne pour les insectes, mais non pour l’Homme. Je suis un chaud partisan de la transversalité. J’ai remarqué que dans les débats médiatiques, il y a une tendance à n’aborder tous les problèmes qu’en les réduisant à des difficultés techniques, selon le cas médicales, juridiques, etc. Cela conduit à ne traiter ces questions qu’en faisant appel à des experts qui donneront une analyse technique, cependant qu’est bannie toute tentative de mettre en lien les problèmes existant dans des domaines différents mais dont on s’apercevrait, si on faisait cet effort de transversalité, que les problèmes sont analogues, ou qu’ils sont liés entre eux, ou ont des points communs sous-jacents que la simple expertise technique ne verra jamais car ces raisons sous-jacentes sont situées hors des limites de la pensée expertale, et le champs commun de la plupart de ces questions est traditionnellement le domaine de la politique. La modernité des Etats technocratiques que sont les social-démocraties ( qui ne peuvent être autre chose que des techno-bureaucraties vu leur nécessités de planification à grande échelle) a tué le débat politique exactement pour cette raison, en défendant cette idée que les questions ne sont jamais que techniques, que si un clandestin fait brûler une cathédrale puis est libéré et assassine un prêtre, c’est une question juridique et judiciaire, et qu’on n’a pas le droit de s’interroger politiquement en faisant un parallèle avec le traitement sécurito-sanitaire qu’on inflige à la population dans son ensemble avec le passe sanitaire – je fais référence ici à une récente intervention de Philippe de Villiers qui a été vilipendé par des journalistes pour avoir osé raisonner en liant ces deux questions. Or pour un esprit marqué par le technocratisme, c’est inadmissible parce que les deux questions sont des questions techniques, et il est absurde autant qu’illégitime de leur chercher, ensemble, un sens commun. Cela revient à interdire toute pensée politique, transversale par nature. Et c’est par définition un positionnement idéologique, puisque cela consiste à établir une norme a priori de traitement des problèmes. Voilà, je ne sais pas si cela fait cinq mais c’est précisément par façon transversale et non-conformiste de répondre à la question.”

9-: Pouvez-vous nous partager votre ressenti sur la jeunesse d’aujourd’hui ?

“Je me trouve dans cette trappe de la grosse trentaine où l’on ne fréquente guère la jeunesse, mais principalement la petite enfance. Mon avis n’est donc pas celui d’un individu en prise directe, hormis un peu sur les réseaux sociaux, mais je pense ne pas me tromper sur quelques points qui me semblent importants pour l’avenir.

Je pense que la jeunesse actuelle est marquée, bien au-delà des marges militantes pour telle cause ou imprégnée par telle religion, par un retour de balancier – phénomène courant historiquement – moral et philosophique : je crois percevoir une inclination à la frugalité, un goût pour, je ne dirai pas la morale, mais la mesure sexuelle, comme si les générations nées après l’an 2000, élevées dans la plus extraordinaire abondance, et dans une société où plus aucun comportement marginal ne reçoit de condamnation morale unanime de la société, en concevaient une sorte d’écoeurement, et un besoin de mise à la diète matérielle et morale. Je pense qu’une bonne partie du succès des idéologies écologistes, féministes, mais aussi de l’islamisme est à rechercher du côté de ce besoin de rompre avec le consumérisme et le vagabondage sexuel.”

10-: Beaucoup de jeunes français cherchent à renouer avec leur héritage, quel est le meilleur moyen selon vous d’y parvenir ?

“Le connaître, évidemment, s’y frotter, que ce soit en lisant, en regardant des films anciens, mais aussi en s’intéressant aux expériences de ses aînés : c’est hélas souvent en arrivant à l’âge adulte, et lorsque l’on a perdu ses grands-parents, que l’on commence à se demander ce qu’était la vie à leur époque, et comment ils ont vécu les grands bouleversements politiques, technologiques, les actualités que l’on n’apprend que sous forme d’images-choc mais qui pour eux se sont inscrite dans la temporalité de la vraie vie.”

11-: Quels sont les principaux dangers qui menacent la civilisation européenne selon vous ?

“Le principal danger pour la civilisation européenne est la civilisation européenne elle-même. Elle peut difficilement connaître pire que les dangers qui l’ont menacée par le passé : l’Islam au VIIIe siècle, les Mongols arrivés jusque dans les plaines de Hongrie au XIIIe siècle, la menace ottomane durant deux siècles, la guerre civile européenne au premier XXe siècle… Il n’y a pas vraiment de danger équivalent, aujourd’hui, et pourtant nous nous sentons plus menacés et fragiles que jamais. C’est que nous avons perdu, si ce n’est abandonné, beaucoup des choses qui nous permirent jadis d’affronter tous ces défis, au premier rang desquelles la simple fierté, la volonté d’affirmation de soi qui est la marque de toutes les civilisations en bonne santé.”

12-: Quels seraient les principaux espoirs et leviers qui permettraient de surpasser ces menaces ?

“J’aimerais vous donner une réponse optimiste et vous fournir des outils, mais mes travaux me portent au pessimisme, au moins relatif : quand je fais le parallèle, comme je l’ai expliqué plus haut, avec le sort des antiques gréco-romains, je vois un déterminisme lourd qui ne semble pas laisser beaucoup d’espoir pour un rebond d’une nature inédite. Cependant il me semble toujours possible de freiner un déclin, je pense que certains sursauts sont possibles et entrent dans le champ de ce que le libre arbitre peut produire. En particulier, pour ce qui est de la France, travailler sur les vices propres de notre régime, qui nous exposent à des dangers absents chez nos voisins européens, me semble une priorité (là-dessus voir ce que je dis de la Ve République plus bas).”

13-: Quels sont les personnalités, auteurs, initiatives ou organisations qui paraissent dignes d’intérêts aujourd’hui selon vous ?

“Les cercles libéraux font un bon travail pour faire vivre la tradition libérale classique : cercle Frédéric Bastiat, Institut Coppet… J’y ai beaucoup d’amis, qui sont des conservateurs dans le sens que j’ai décrit plus haut. J’ai récemment lu avec un immense intérêt le livre de Jean-François Gariépy, The Revolutionary Phenotype, une réflexion sur les révolutions évolutive, notamment le passage du monde à ARN au monde à ADN, et les leçons que l’on peut en tirer sur l’émergence du transhumanisme et les dangers qu’il peut porter à long terme pour la vie telle que nous la connaissons.”

14-: Y a t-il un sujet qui vous paraît délaissé aujourd’hui ou que vous considérez ne pas voir suffisamment dans les médias ou le débat public ?

“La nature non-démocratique de la Cinquième République. C’est véritablement un sujet qui me tient à coeur et sur lequel j’essaie de communiquer particulièrement depuis un moment : l’idée que le régime constitutionnel établi en France en 1958 ne répond pas aux standards constitutionnels d’une démocratie, que la Cinquième République n’est pas une forme constitutionnelle possible de démocratie, c’est un ordre constitutionnel sans séparation ni équilibre des pouvoirs, que Jean-François Revel dénonçait jadis comme l’Absolutisme inefficace, régime d’irresponsabilité en cascade.

Toutes les grandes démocraties modernes ont la même structure constitutionnelle : tous nos grands voisins européens : Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas, Espagne, mais aussi le Japon, le Canada, l’Australie ou encore l’Inde – la seule exception notable étant les Etats-Unis, qui ont un modèle à séparation stricte. Mais la France, avec son régime dit « semi-présidentiel », mais qu’on devrait appeler hyperprésidentiel ou autocratique, a un ordre constitutionnel semblable à ce qu’était l’Empire allemand en 1914, que l’on ne place pas dans le camp des démocraties lors de la Grande guerre, et semblable à ce que l’on trouve aujourd’hui en Egypte, en Russie, en Turquie, c’est-à-dire des pays pas franchement libres et démocratiques. Inversement, du temps de la IIIe et de la IVe République, la France avait bien un régime similaire à celui de nos voisins : une démocratie parlementaire à séparation souple des pouvoirs, et où l’arbitre de la vie politique est bien le Parlement, pas le chef de l’Etat, qui ne doit avoir qu’un rôle de garant des institutions, régnant sans gouverner, représentant l’autorité et non exerçant le pouvoir. Et la IIIe et la IVe, malgré leurs défauts, fonctionnaient, et ont subi une double légende noire quant à leur inefficience : pour la IIIe cette légende noire vient des diatribes du régime de Vichy contre le parlementarisme cause de la défaite, pour la IVe cela vient de la propagande gaulliste.

La Ve est un régime né d’un coup d’Etat de De Gaulle – ou sous la menace d’un coup d’Etat, ce qui revient au même – et qui tourne le dos à toute la tradition démocratique occidentale depuis la Glorieuse Révolution britannique de 1688. Après soixante ans de ce régime, le débat politique en France a subi une régression intellectuelle de 300 ans : on se demande ce qui fait le bon Président de la République comme le point de mire de la pensée politique au Moyen Age et à la Renaissance était de savoir ce qu’était un bon prince, alors que la vraie réponse à cette question est que cela n’existe tout simplement pas, et que ce qu’il faut c’est une séparation des pouvoirs.

La Ve est un régime profondément nocif, et Montesquieu lui aurait refusé le nom de Constitution puisque la séparation des pouvoirs y est inexistante : tout dépend du Président. On aurait tort de croire que ce sont les réformes constitutionnelles du quinquennat et de l’ordre des élections qui ont provoqué cette évolution, c’est confondre l’effet et la cause. La réalité est qu’à la fin du XXe siècle l’élection du Président de la République au suffrage universel avait déjà tout avalé comme un trou noir béant, et détruit la culture parlementaire, c’est pourquoi ces réformes ont paru logique. Le mal était déjà acté. La vérité, c’est que si la France n’a eu l’air de demeurer une démocratie durant quelques décennies après 1958, c’est uniquement parce qu’un siècle de vraie démocratie (1870-1958, mais on pourrait presque remonter quelques années plus haut du temps de l’Empire libéral de Napoléon III, qui évoluait vers une monarchie à l’anglaise) avait développé une culture démocratique et parlementaire qui a longtemps fait obstacle à ce que la constitution de la Ve donne la pleine mesure de sa lettre. Mais la pratique du pouvoir présidentiel rendu souverain et autocratique par l’élection au suffrage universel a progressivement fait évaporer cette culture, et désormais il ne reste que cette sorte de nouvel Ancien Régime. Il me semble d’autant plus urgent de porter ce discours que la Ve me paraît au bord de l’effondrement, et que si personne ne comprend cette problématique constitutionnelle, je vois mal comment les choses pourraient s’arranger dans les temps qui suivront.”

15-: Pouvez-vous nous donner un livre, un film et une musique qui selon vous vous représentent, ou auxquels vous tenez ?

“Un livre qui me représente : Fondation, d’Isaac Asimov, pour les raisons que j’ai déjà dites.

Un film ? Il est toujours difficile de choisir, mais si je me réfère au critère d’enfance qui veut que ce que l’on préfère est ce que l’on a envie de regarder lorsque l’on reste à la maison parce que l’on est malade : A la poursuite d’Octobre Rouge  et Barry Lyndon. Une musique : les Hébrides de Mendelssohn.”

16-: Que pensez-vous pouvoir apporter à quelqu’un qui vous découvre ?

“Une connaissance supérieure du monde par la manière dont l’Histoire se fait, la capacité rapide de réfuter les fausses généalogies ou les discours à argumentation historique frelatés, en particulier toutes les prétentions exceptionnalistes à propos de notre pays, certains lieux communs du genre « l’Etat a fait la Nation », ou « le pays des révolutions », etc. Des outils pour comprendre ce que l’on peut espérer et ce qui est chimérique, et aussi pour se hisser au-dessus de soi-même et de ses propres pulsions politiques – une sorte d’instrument de psychanalyse historico-politique, en quelque sorte, qui permet de mieux se comprendre et s’évaluer soi-même, afin d’être plus maître de soi-même, et donc libre.”

17-: Quels sont vos projets à l’avenir ? Dans les prochaines semaines et mois, à court terme, mais également votre vision à long terme.

“Je rédige une synthèse de ma théorie de l’Histoire pour exposer le modèle complet qui permettra de mettre bout à bout, en réseau si l’on veut, tous mes précédents travaux et de « boucler » la théorie.

Et puisque j’estime désormais avoir quelque chose de relativement fini, je voudrais me consacrer à le mettre à l’épreuve en l’utilisant comme outil d’analyse et de commentaire de l’actualité de manière plus régulière et suivie, en augmentant la fréquence de mes émissions sur YouTube, probablement plusieurs fois par semaine à compter de l’automne prochain. A long terme, mon objectif serait que mes thèses soient reprises, travaillées et enseignées par moi et par d’autres, et deviennent un champ de recherches à part entière.”

18-: Où peut-on vous suivre ? Sur quel média ou réseau êtes-vous le plus actif ?

Je suis actif depuis des années sur Facebook, sous mon nom. Je suis de plus en plus actif sur Twitter, en particulier dans ces périodes de débat politique agité, sous mon nom également mais avec l’adresse @Historionome. Et bien sûr il y a ma chaîne Youtube, sur laquelle je vais consacrer mes efforts dans les mois qui viennent mais où se trouve déjà une quantité de contenu :

Chaine Youtube

19-: Un mot pour la fin ?

“Qu’elle soit toujours le début d’autre chose.”