Oui, les survivalistes sont (la plupart du temps) des losers
Il aimerait être un Chad mais sa vie se résume à être un éternel loser : pas assez beau, pas assez fort, pas assez riche, pas assez puissant. Mais ça, c’est sa vie maintenant. Quand le grand jour viendra, quand l’effondrement économique et l’État faillera, il deviendra enfin ce qu’il a toujours voulu être : un chef puissant, un mâle alpha entouré de femmes et de beta prêts à tout pour gratter ses boîtes de conserve et bénéficier de la protection de ses armes soigneusement entretenues. Voilà en quelques phrases comment on pourrait résumer l’archétype du survivaliste moyen naviguant sur les forums et faisant étale de sa préparation sur le net.
Plus sérieusement, commençons par définir ce que j’entends par survivaliste. La définition la plus largement acceptée et qui me paraît la plus cohérente est celle-ci : il s’agit d’une personne se préparant activement à un changement brutal de situation que certains nomment rupture de la normalité. Cela signifie donc qu’elle consacre de l’énergie, du temps et de l’argent à se préparer à des scénarii qui lui paraissent probables en fonction de sa situation. La démarche plus globale consiste – afin de se prémunir d’un maximum de risques – à tendre vers une autonomie de plus en plus importante afin de s’affranchir des systèmes envers lesquels le citoyen lambda est dépendant.
Dans une situation globale de plus en plus incertaine et instable, cette démarche est en soi tout à fait louable tant qu’elle s’inscrit dans une réflexion rationnelle. Or, il faut bien l’admettre, c’est là que le bât blesse pour la plupart des survivalistes. Une grande partie d’entre eux semblent en effet guidés par des mécanismes anxiogènes parfois dénués de toute rationalité. Lors de chaque « acte de préparation », comme par exemple constituer des réserves de nourriture, acquérir des armes ou acheter une ferme isolée, une évaluation coût/bénéfice est effectué en fonction du risque évalué. Bien entendu personne n’a de boule de cristal et il est difficile de se prononcer avec certitude sur la pertinence de certaines formes de préparation. On entend toutefois régulièrement sur les réseaux survivalistes des choses qui paraissent bien ressortir de la paranoïa et conduisent parfois à des choix de vie loin d’être judicieux.
Prenons quelques exemples afin d’illustrer le propos. Certains survivalistes recommandent par exemple de se balader avec une plaque pare-balle dans son sac à dos : quelle probabilité avons-nous d’être pris pour cible par un tireur armé à votre avis ? Et si cette infime probabilité devait se produire, combien de chances y a-t-il pour que cette plaque serve à quelque chose ? Cette infime probabilité justifie-t-elle la peine de se trimballer une plaque de 500g ou de 1kg tous les jours dans son sac ?
D’autres recommandent par exemple à la jeune génération de laisser tomber les études et faire un apprentissage « utile », par exemple plombier ou menuisier. Pourquoi pas, sauf que les mêmes personnes qui recommandent ce parcours ont souvent fait des études supérieures leur ayant permis d’acquérir un capital suffisant pour se préparer confortablement en achetant tout le nécessaire.
Du côté des collapsologues – sortes de survivalistes de gauche – un certain nombre ne jurent que par le potager qui apparemment devrait les sauver d’une situation de crise majeure. Les mêmes rejettent souvent l’acquisition de tout système défensif alors que dans la plupart des scénarii plus ou moins réalistes ils se feraient tout simplement racketter leurs provisions par des gens n’ayant jamais fait d’autres préparatifs qu’acheter quelques armes.
D’autres encore recommandent de tout plaquer afin de vivre comme un clodo sur un terrain dans une tente afin d’être autonome et de tout faire soi-même. On se demande comment ils font lorsqu’ils ramènent une femme et leur présente leur taudis (ça n’arrive probablement jamais ce qui explique cela).
On trouve encore des choses bien plus absurdes : des gens qui se baladent avec un mini grapin pour récupérer un truc dans un espace trop fin pour y passer les doigts mais où un grapin pourrait passer pour agripper on ne sait quoi…. D’autres qui apprennent à fabriquer de A à Z des armes primitives comme des arcs en justifiant cela par une « préparation rationnelle » alors qu’il est évident que ce n’est qu’un hobby comme un autre (qui est en soi tout à fait intéressant ceci dit).
Ce manque de rationalité caractéristique de la majorité des survivalistes traduit de mon point de vue ce que j’exprimais au début de mon article, à savoir le fait que la plupart sont des personnes frustrées de leur condition actuelle et qui fantasment sur un « monde d’après » dans lequel elles pourraient en quelque sorte prendre leur revanche grâce à leur préparation méticuleuse. D’ailleurs, un certain nombre de survivalistes bien en vue sur le net ne cachent pas le fait qu’ils souhaitent cet « effondrement » car le monde actuel ne leur convient pas.
Bien entendu il existe des exceptions à ce portrait au vitriol et certains se préparent effectivement à des scénarii rationnels. Au-delà de la probabilité de ces évènements, c’est l’adéquation entre les préparatifs et le scénario envisagé qui prête parfois à sourire. Toutefois ces démarches tendant vers l’autonomie et la préparation individuelle sont tout à fait intéressantes et vous aurez compris à travers ce billet que c’est un sujet que j’ai exploré en profondeur. C’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir sur TCE. Nous explorerons alors comment une personne peut se préparer de manière efficace aux évènements les plus probables en prenant en compte l’efficience des efforts fournis et les probabilités d’occurrence et verrons s’il est souhaitable d’entreprendre ces démarches en fonction de sa situation personnelle.
Vous pouvez poursuivre votre lecture avec la deuxième partie de notre réflexion.