Notre partenaire, Le Rocher nous propose un article d’analyse et de commentaire du livre “Sur la violence gratuite en France : Adolescents hyper-violents, témoignages et analyse” de Maurice Berger.
Analyse par Le Rocher
Je souhaite vous parler d’un livre absolument fondamental pour comprendre le phénomène grandissant de la violence gratuite en France. « Sur La Violence Gratuite en France », de Maurice Berger, ne se contente pas d’un constat sur l’étendue de ce phénomène. Il aide à en saisir les causes profondes.
Sur la question de la criminalité, pour se différencier du roman de gauche qui, à défaut de cacher le constat de la criminalité, lui donne des origines sociales ; rien de mieux que cette petite pépite malheureusement passée inaperçue -même si l’auteur s’est déjà livré à une interview au Figaro-. L’auteur, d’ailleurs, Maurice Berger, est psychanalyste, pédopsychiatre, ex-professeur associé de psychologie de l’enfant. Il travaille en centre éducatif renforcé et enseigne à l’École Nationale de la Magistrature. De 1979 à 2014, il a créé et dirigé le seul service de pédopsychiatrie en France dédié à la prise en charge des enfants extrêmement violents âgés de 3 à 12 ans. Depuis, il travaille dans un centre éducatif renforcé qui reçoit des jeunes délinquants de 13 à 17 ans.
Alors, on pourrait se dire, pourquoi écrire sur ce sujet de la violence gratuite ? Et pourquoi s’y intéresser ?
Tous les jours, en France, il y a « 777 violences gratuites déclarées à la police quotidiennement en 2017, soit une toutes les deux minutes, chiffre évidemment très inférieur à la réalité et une augmentation de 3,24% entre 2016 et 2017. ».
Et la violence gratuite, qu’est-ce ? « La violence gratuite est une agression sur autrui qui n’a pas pour objectif de voler », qui n’a donc aucune autre finalité que la violence en soi. Et c’est ce qu’on constate de plus en plus dans d’innombrables brèves de presses locales dont les titres terminent par « pour un mauvais regard », « pour une cigarette » etc. On connaît le refrain.
Le docteur Maurice Berger coupe immédiatement l’herbe sous le pied aux tenants de l’analyse socio-économique, intellectuellement confortable pour constater le phénomène de la violence mais sans stigmatiser dans l’analyse de ses causes :
« Non, la violence gratuite n’est pas due à la précarité : 50% des parents de mineurs violents, au minimum, travaillent et n’ont pas de problèmes financiers. Toutes les personnes pauvres n’ont heureusement pas d’adolescent violent, et les professionnels sérieux savent très bien que donner 3000 euros mensuels à toutes les familles en situation de précarité ne diminuera en rien le nombre de violences gratuites. »
« Non, la violence gratuite n’est pas due à la ghettoïsation, au racisme, etc. »
On a bien compris qu’on allait se tenir loin des élucubrations des sociologues du service public. Le docteur nous dit que les deux premières années de la vie d’un enfant, si elles sont mal prises en charge par les parents, peuvent causer des effets absolument dévastateurs sur la vie et le comportement d’un enfant qui, peut-être toute sa vie, sera inapte à vivre en société et pourra, en outre, reproduire les mêmes erreurs sur sa propre progéniture.
Il liste plusieurs causes de l’émergence de la violence chez un mineur :
- l’exposition répétée à des scènes de violences conjugales avant deux ans, ce qui concerne deux tiers des cas traités par le pédopsychiatre.
- négligences et maltraitance pendant les mêmes années.
- l’appartenance à un groupe familial à fonctionnement clanique ; ce point est fondamental car dans le modèle libéral occidental, l’individu peut s’émanciper des fonctionnements familiaux et gagner en autonomie. Ce point amènera plus tard le docteur à faire un « lien entre violences gratuites et immigration ».
- une éducation sans limites et sans interdits, qu’on peut mettre en relation avec le dogme progressiste du laisser-faire absolu de l’enfant qui s’habitue à ne s’appliquer que ses propres limites.
- le fonctionnement des groupes de jeunes dans certains quartiers, ce qui constitue l’engrenage de la délinquance.
- un tempérament impulsif particulier
Et quelques autres encore qui constituent les différents chapitres du livre.
On apprend, en outre, que Mohammed Merah fut témoin de violences conjugales et fraternelles quand il était petit, tout comme l’assassin d’Arnaud Beltrame. La trame psychiatrique qui amène d’abord à la petite délinquance la plus commune au terrorisme est sensiblement la même et trouve ses sources au même endroit. Ensuite, l’idéologie islamiste n’est probablement que le réceptacle de cette volonté de violence et de destruction intrinsèque à un terroriste. Je doute qu’un homme tout à fait équilibré et sain d’esprit, en étant confronté à un discours religieux violent, soit susceptible de commettre des attentats. Cependant, comme l’explique l’auteur, ces troubles préexistants sont largement plus répandus chez mes populations immigrées afro-maghrébines que dans les autres composantes de la société :
« En 2013, 60% des enfants de moins de 12 ans hospitalisés dans mon service pour violence étaient d’origine maghrébine, et il en est de même pour 88% des adolescents admis au CER en 2018.4% venaient d’autres pays et 8% étaient originaires des familles françaises dites « de souche ».
Ce schéma a en outre une capacité d’autoreproduction absolument colossale :
« Beaucoup de pères de jeunes violents (et violentés) et absents, ne manifestent que très peu d’intérêt pour leur enfant. Ce qui les intéressait c’était la femme, la relation sexuelle, sans désir d’assumer la paternité », ce qui reproduit les mêmes travers éducatifs conduisant ensuite un enfant à être violent puis négligent envers sa propre descendance, et ainsi de suite.
De plus, on peut évoquer la situation de la mère, très peu prise au sérieux par les services de police, impuissants face à ces phénomènes grandissants ; « il est évident que protéger la mère, c’est protéger l’enfant, certaines mères qui sont sous l’emprise de leur conjoint se révèlent incapables de le quitter malgré les violences subies ». On peut bien sûr imaginer en outre les potentielles conséquences pour la mère qui ne se sentira pas à l’abri tant que son agresseur est libre comme l’air.
Ensuite, on comprend l’immense importance d’un entourage familial stable sans quoi un individu peut souffrir de difficultés qu’on a du mal à imaginer ; le fait de ne pas pouvoir identifier un sourire, ne pas savoir reconstituer un visage à partir de quelques pièces représentants les yeux, le nez, la bouche, l’incapacité totale d’auto-projection dans une autre situation que la présente. On y trouve le guide de la bonne éducation pour avoir un enfant et par extension une société civilisée.
L’enfant en bas-âge fonctionne par mimétisme ; les émotions qu’il voit sont les émotions qu’il ressent. Il n’y a rien de pire pour un enfant d’être habitué à des parents malheureux. Il faut qu’il perçoive un vaste panel d’émotions afin qu’il puisse les reproduire ensuite.
On croirait ainsi que c’est complètement idiot lorsque l’on croise un bébé de deux ou trois ans et que l’on feint toute une batterie de mimiques face à lui, qui essaie de les reproduire.
Et pourtant c’est la chose la plus sage à faire pour qu’il puisse reconnaître ses propres émotions et les exprimer, ainsi que reconnaître celles des autres.
« Dès sa naissance, un enfant a un besoin vital d’avoir un à sa disposition, dans son environnement, un adulte stable, toujours le même, capable de comprendre ses moments de mal-être, de peur, et d’apaiser ses tentions. » « Un enfant qui n’a pas à sa disposition d’adulte sécurisant est stressé, car émettre de manière répétée un message de mal-être et ne pas recevoir de réponse apaisante est angoissant. Son corps sécrète alors, de manière excessive, une hormone, le cortisol, qui pénètre dans le cerveau et endommage diverses parties »
Dans ces parties, on y trouve l’amygdale cérébrale qui régule la colère. Le fait de l’endommager complique considérablement la capacité de l’individu à se calmer, tout au long de sa vie.
L’hippocampe aussi est endommagé par la sécrétion excessive de cortisol. Il permet entre autres de percevoir le passé et le présent. Lorsqu’un ordre rappelle un souvenir violent associé à un parent, le patient n’a pas la lucidité de comprendre qu’il s’agit d’un souvenir. Il vit le moment tel qu’au présent.
Ces catastrophes éducatives ne sauraient en aucun cas être corrigées par des « plans banlieue », « des aides sociales » ou par « un investissement massif dans l’éducation », du moins pas dans la version de l’éducation telle qu’elle est perçue par l’Etat, à savoir le domaine de l’instruction publique. Ici, il s’agit du domaine privé, celui de la famille. L’Etat n’a pas à intervenir pour dicter de la manière dont on éduque son enfant, il ne peut que donner des réponses pénales lorsqu’elles doivent l’être.
On comprend aussi dans cet ouvrage le décalage abyssal entre l’œuvre des politiciens qui veulent lutter contre la violence gratuite et les effets de leurs politiques. Une loi de mars 2007 réformant la protection de l’enfance est une « catastrophe » selon l’auteur, car pour ne pas stigmatiser les parents, le mot « maltraitance » était supprimé du lexique juridique. En outre, cette loi repoussait au maximum les exigences pour que la situation de négligence éducative soit transmise à un juge des enfants.
Ce schéma psychiatrique permet aussi de comprendre certaines violences à une échelle « macro ». Maurice Berger évoque les émeutes de 2005 dans un paragraphe intitulé « l’incapacité de faire semblant » :
« L’absence du jeu dans l’éducation conduit certains jeunes à reproduire le schéma du jeu dans des actes réels ayant des répercutions parfois dramatiques. « leurs vrais jeux, ce sont des actes. En particulier, le jeu du « pas vu, pas pris », lors des cambriolages leur procure un plaisir addictif, et plusieurs jeunes m’ont expliqué voler sans nécessité et seulement pour l’excitation que cela leur procure. Autre jeu, celui de détruire en vrai. Détruire, casser est ce qu’il y a de plus facile comme distraction, il est plus difficile et plus fatiguant de construire. Détruire est le jeu de ceux qui n’ont aucune imagination, et il consiste aussi à démolir la construction des autres dont on envie la capacité de créer ».
Toute ressemblance avec la volonté de déconstruire l’Occident serait fortuite.
Pour les émeutes donc, en 2005, le docteur reçut plusieurs cas qui ont dit la même chose « que ce qu’ils déclaraient souvent aux magistrats ; s’ils ont brûlé ou saccagé des classes maternelles, une bibliothèque, ce n’était pas parce qu’ils étaient révoltés contre le système scolaire, contre la société, mais pour « s’amuser ».
On note une incapacité imaginative et c’est bien le drame de ce phénomène, c’est comme si l’on n’avait pas à faire à des humains comme nous. L’adage « ne fais pas aux autres ce que tu n’as pas envie qu’on te fasse » est complètement étranger à ces jeunes. Un regard, même bienveillant, parce qu’il ne sera pas perçu comme tel, peut être vécu comme une agression. En revanche, le fait de commettre un meurtre n’entraînera aucune remise en question. Ce qui peut les stopper, c’est éventuellement la peur d’une réponse pénale très forte ou une sanction familiale qui se répercutera sur l’individu par le biais d’une autorité reconnue comme les parents, avec par exemple l’inéligibilité à certaines allocations. Bref, vous y verrez un diagnostic non étouffant mais global et accessible d’un phénomène très décrié mais mal connu dans cet ouvrage absolument remarquable qui, en plus de vous faire comprendre les mécanismes qui mènent à la violence gratuite, peut être partagé à vos proches encore convaincus que cette violence vient du social, de la ghettoïsation, voire du racisme. Berger balaye tous les poncifs de gauche parfois partagés par la droite pour vous livrer une des pilules rouges les plus abouties du monde littéraire francophone de la dernière décennie
Nous espérons que cet article proposé par Le Rocher offrira à certains une base utile de connaissances sur les violences gratuites en France. Nous vous encourageons à consulter le compte du Rocher qui offre beaucoup d’approches courtes et concises sur des phénomènes de société. Pour les Membres de The Conservative Enthusiast, vous pouvez retrouver à tout moment leur compte sur notre page « Partenaires » à l’intérieur de notre espace membre.