Cet article fait suite à notre première sélection de livres que vous pouvez retrouver dans la catégorie Littérature de notre site. Nous vous avons rédigé une première liste non exhaustive de recommandations qui constituent à nos yeux une première base solide de livres à connaitre que nous vous invitons à consulter. Aujourd’hui, nous vous proposons de revenir plus en détail sur un livre qui a particulièrement retenu notre attention : Destin français de Éric Zemmour.

Nous tenons à rappeler encore une fois que nous ne faisons ici qu’une présentation subjective de cet ouvrage. Nous vous livrons simplement notre ressenti et notre analyse tout en vous offrant la possibilité de nous partager les vôtres dans l’espace commentaire dédié en bas de cet article. Nous encourageons toujours l’honnêteté intellectuelle et tentons toujours d’être le plus objectif et transparent possible avec nos lecteurs. Nous sommes dans une démarche d’ouverture et d’instruction, pas d’idéologie. TCE est une plateforme d’apprentissage mais aussi de partage et nous tâchons toujours de nous rendre accessible et disponible pour notre communauté. La vérité seule nous importe. À noter également que l’équipe TCE étant très diverse, chaque article est une analyse qui n’engage l’avis que de son rédacteur mais pas de l’équipe dans sa globalité puisque chaque lecteur à son propre avis. Cette introduction close, découvrons ensemble cet ouvrage.

Introduction

Dans son essai à succès Le Suicide français publié en 2014, Éric Zemmour décortiquait minutieusement le déclin de la France à partir de 1970 jusqu’à nos jours. Quatre ans plus tard, en 2018, l’éditorialiste signe un nouvel essai passionnant – Destin français – qui se plonge dans l’Histoire de France en revisitant les grands personnages qui ont fait ce pays. De Clovis à De Gaulle en passant par François 1er, Richelieu, Voltaire ou encore Napoléon, chaque personnage ouvre un chapitre historique et offre des clefs de lecture permettant de faire le lien entre le passé et le présent.

Pourquoi lire Destin français ?

Ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas d’une énième Histoire de France classique : Éric Zemmour donne une vision transversale des évènements et établit de nombreux liens entre les époques et les siècles. Cette caractéristique – critiquable du point de vue d’un historien – donne tout son charme à l’ouvrage en rendant l’histoire vivante. Après tout, l’étude de l’Histoire n’a-t-elle pas comme objectif premier la compréhension du présent et l’anticipation de l’avenir ? Si les princes étudiaient les classiques de l’antiquité, c’était avant tout pour se donner les armes intellectuelles pour faire face à leur destin. Il est vrai qu’au premier abord, ces va-et-vient temporels peuvent déstabiliser le lecteur. Ils permettent toutefois le développement d’analyses assumées qui s’appuient à chaque fois sur un épisode historique marquant.

Dans un solide format de près de 600 pages, Zemmour affine ses grilles d’analyses historiques avec lesquelles beaucoup de nos lecteurs sont sans doute déjà familiers et aborde des thématiques variées : féodalisme et absolutisme, guerres de religion, la naissance des États-nations, la place de la France en Europe ou encore le féminisme à travers le duo Simone de Beauvoir – Jean-Paul Sartre.

Si l’éditorialiste et journaliste politique brille avant tout pour son talent rhétorique et ses passages médiatiques remarqués, notamment grâce à son apparition quotidienne dans l’émission Face à l’info sur CNews, la lecture de Destin Français donne un aperçu bien plus détaillé et complet de sa vision de l’Histoire. La grande force de ce livre réside dans son attractivité tant pour les néophytes aux maigres connaissances historiques qu’aux passionnés d’Histoire. Pour les premiers, cet ouvrage constitue une porte d’entrée formidable dans l’Histoire de France et suscitera de l’intérêt pour ces grands personnages historiques en offrant des analyses qui mettent en exergue l’importance des connaissances historiques pour comprendre le présent. Pour les seconds, ce livre est l’occasion de redécouvrir certains épisodes sous un angle nouveau qui détonne parfois en comparaison du consensus historique sur certains évènements.

La rivalité séculaire entre la France et l’Angleterre est par exemple décryptée à travers Catherine de Médicis, Richelieu, Louis XIV et Napoléon. Zemmour se place ici en héritier des réalistes[1] tels que Thucydide, Thomas Hobbes ou encore Machiavel. La politique de puissance et la raison d’État est au cœur de l’analyse, bien qu’elle n’omette pas la dimension psychologique et émotionnelle des décisions politiques. Une lecture de l’Histoire résolument conservatrice qui s’inscrit dans une longue tradition de pensée dictée par la confrontation au réel et l’observation empirique, loin du constructivisme moderne qui prétend réinventer l’étude des relations internationales.

Le siècle des Lumières est quant à lui analysé par le prisme de l’opposition entre Voltaire et Rousseau qui a accouché des idéologies encore dominantes aujourd’hui. L’esprit bourgeois cynique, cosmopolite et inégalitaire voltairien face au sentiment de la nature et le rejet de l’inégalité rousseauiste. À chaque fois, les conséquences d’un évènement ou d’une idée est mise en perspective avec notre époque, comme par exemple lorsque Zemmour démontre avec une précision remarquable en quoi consiste aujourd’hui l’héritage de l’idéologie héritée des Lumières : « Au nom de l’Europe, on méprise la nation. Au nom de l’ouverture à l’Autre, on méprise la volonté générale. Au nom de la fraternité universelle, on méprise la préférence nationale »[2].

La période de la Révolution et du premier Empire occupe également une part importante du livre et nous fait (re)découvrir une période charnière dans l’histoire de France avec les personnages mythiques de Mirabeau, Robespierre, François Athanase Charette, Talleyrand et bien sûr Napoléon Bonaparte.

Plus loin, l’auteur explore le sujet encore polémique de la dualité Pétain – De Gaulle et soutient avec verve la thèse du glaive et du bouclier. Un regard nuancé et équilibré sur ces deux personnages, vus comme deux faces d’une même pièce : de quoi faire hurler les bien-pensants biberonnés aux leçons d’histoire manichéennes.

Enfin, la dernière partie du livre aborde les thématiques du féminisme et du pouvoir des juges, deux thèmes déjà explorés par l’auteur dans ses précédents essais Le Premier Sexe et Le Coup d’État des juges. Les deux sujets sont repris en remontant à leurs racines historiques et offrent des clefs de compréhension essentielles à deux phénomènes d’importance qui marquent les démocraties occidentales post-modernes.

Conclusion

En somme, ce livre est sans doute la meilleure porte d’entrée pour comprendre Éric Zemmour et sa façon d’appréhender l’histoire de son pays. N’étant pas moi-même français, cette lecture a été particulièrement plaisante car elle m’a permis de découvrir certains éléments historiques que je ne connaissais pas tout en affûtant mon esprit d’analyse et en découvrant de manière plus complète les clefs de lecture « zemmouriennes ». À lire avec un crayon à la main afin de profiter pleinement de la richesse du livre qui nous fait découvrir une galerie de personnages qui sont choisis pour leur nature archétypale qui les font ressurgir au fil des siècles : « L’Histoire est une galerie de portraits où il y a peu d’originaux et beaucoup de copies » disait Alexis de Tocqueville. 


[1] Le réalisme est une théorie des relations internationales. Pour l’école réaliste, les États recherchent avant tout à garantir leur sécurité et à étendre leur puissance en raison de la compétition qui existe entre les Etats au sein de la politique internationale.

[2] Éric Zemmour, Destin français, P.248