JEUDI CINÉMA #9 : SOLEIL VERT

JEUDI CINEMA THE CONSERVATIVE ENTHUSIAST

Nous poursuivons avec cet article, notre liste de recommandations de films, qui nous l’espérons, saura vous plaire et vous faire découvrir ou revisiter les œuvres anthologiques du cinéma qui sont selon nous primordiales à connaître.

Cette liste de films concoctée par nos soins est nommée “JEUDI CINEMA“, elle est numérotée et vous pouvez la retrouver dès maintenant dans la rubrique Cinéma de notre site.

Sans plus attendre, découvrons le nouveau film de notre liste : Soleil Vert

Soylent Green, traduit par Soleil Vert en français, est un film américain d’anticipation sorti en 1973 réalisé par Richard Fleischer. Ce thriller met en vedette les acteurs Charlton Heston, Leigh Taylor-Young, Chuck Connors et donne son dernier rôle à Edward G. Robinson. Soylent Green est une adaptation cinématographique du roman de Harry Harrison publié en 1966, Make room ! Make room ! assez méconnu du public qui décrit un New-York surpeuplé où s’entassent des millions de chômeurs, où un rationnement est mis en place et où règnent la violence et le chaos.

Néanmoins, le film diffère sensiblement de l’œuvre originale et prend quelques libertés scénaristiques. En effet, si l’œuvre d’Harry Harrison est davantage un plaidoyer en faveur de la contraception et du contrôle des naissances, l’explosion démographique étant le thème central de son roman, son adaptation nous propose une analyse bien plus fine des conséquences d’une éventuelle surnatalité sur notre population.

Avant d’aller plus loin, il me semble primordial de contextualiser ces œuvres qui sont indissociables de leur époque.

Dans les années 1960, à une époque où la dénatalité n’a pas encore succédé au baby-boom et où la contre-culture hippie et les violences urbaines émergent, la question de l’explosion démographique suscite la crainte d’énormément d’occidentaux et de nombreux débats éclatent au sujet de la pilule et de l’avortement notamment aux États-Unis. Bien que l’opinion conservatrice américaine s’oppose au contrôle des naissances pour des raisons éthiques et religieuses, le climat anxiogène est pesant et la peur d’un manque de place (Make room !) et d’un entassement se fait de plus en plus ressentir. Ainsi nait l’œuvre d’Harrison.

En revanche, lors du tournage du film en 1972, les mentalités ont changé. La peur d’une explosion démographique cède à une nouvelle angoisse : la destruction de l’environnement et la raréfaction des ressources. La pollution et le gaspillage deviennent des thèmes récurrents dans l’actualité et les premiers partis écologistes éclosent. Comme à leur habitude, les médias s’embrasent et ne manquent pas d’affoler la population. Soylent Green arrive donc dans un contexte idéal.

Pour autant, ce film n’est pas qu’un vulgaire pamphlet écologiste, il apporte une dimension psychologique très intéressante et soulève des problématiques bien plus complexes et légitimes qu’en apparence.

Cette dystopie à l’allure orwellienne allie le film policier et la science-fiction. L’histoire commence en 2022, dans un monde surpeuplé où les océans ont presque disparu. L’industrialisation de la planète amorcée au XIXe siècle et amplifiée jusqu’à notre ère a conduit à la pollution mondiale, causant une canicule omniprésente qui a pour conséquence l’épuisement progressif et irréversible des ressources naturelles. La pauvreté règne tant l’écart entre riches et pauvres s’est creusé.

L’action se déroule à New-York qui est désormais une mégapole de quarante-quatre millions d’habitants où la température ambiante avoisine les trente-trois degrés. L’eau est très rare, la faune et la flore ont presque disparu tout comme la nourriture issue de l’agriculture. La plupart des habitants n’ayant pas les moyens d’acheter des aliments naturels, les prix étant exorbitants, ils en sont réduits à manger des produits de synthèse fournis par la multinationale Soylent. Cette pitance se présente sous la forme de petites plaquettes de couleurs et est produite à partir de plancton, à en croire les dires de l’industrie. C’est dans ce quotidien sordide que la firme met au point un tout nouvel aliment, beaucoup plus nutritif mais également plus cher : le Soylent Green. Disponible uniquement le mardi, cette denrée génère des émeutes de citoyens affamés sévèrement réprimées par des dégageuses, des engins similaires aux camions-bennes utilisés pour disperser les manifestants. À la surpopulation, la pollution, la pauvreté et la famine, s’ajoute aussi l’euthanasie généralisée des vieillards et le suicide assisté ouvert à tous.

Frank Thorn, un policier détective, vit avec son ami Solomon « Sol » Roth, vieux professeur et dernier témoin du temps passé, dans un petit appartement délabré de la ville. Sol est nostalgique du passé et fustige le nouveau monde tandis que Frank se contente des seules choses qu’il a connues de son vivant, c’est-à-dire le chaos ambiant et la nourriture synthétique. Au même moment, un haut dirigeant de la société agroalimentaire Soylent est exécuté chez lui, dans les beaux quartiers de Chelsea. Chargé de l’enquête, Thorn s’aperçoit rapidement que derrière ce qui ne semble être qu’un crime crapuleux, se cache en réalité un assassinat visant à empêcher la victime de révéler un terrible secret.

En outre, le film démontre la manipulation de masse et le mépris des élites et des politiciens vis-à-vis d’une population qui n’a plus ni foi ni conviction. Décrites comme corrompues et cyniques, ces élites sont en sécurité dans leur tour d’ivoire, déconnectées de l’hyperviolence et de la pauvreté du réel. L’organisation de cette société s’inspire à n’en pas douter des anciens régimes fascistes et communistes tant les similitudes sont frappantes.

Pourquoi il faut regarder ce film ?

Ce film n’est pas destiné aux grands amateurs d’effets spéciaux ou de blockbusters mais plutôt aux admirateurs d’œuvres d’anticipation à l’instar d’un 1984 ou d’un Fahrenheit 451.

Bien qu’ayant assez mal vieilli au niveau des effets spéciaux et des décors, ce film reste néanmoins très marquant ne serait-ce que par son scénario.

Dans le monde actuel, à l’heure où l’écart entre riches et pauvres n’a jamais été aussi important et où les guerres pour le contrôle des masses et des ressources –en particulier les plus fondamentales comme l’eau potable- n’ont jamais été aussi présentes, ce film peut susciter des interrogations justifiées.

De nombreux thèmes sont évoqués avec pertinence comme les effets de la surconsommation, de la surpopulation, de la gestion de nos ressources et de leur répartition, de la composition et de la qualité de nos aliments et de la façon dont les événements peuvent être gérés par une certaine élite politique. Pas sûr que l’actualité et la gestion de l’épidémie nous laissent présager le meilleur.

Une scène a particulièrement retenu mon attention lors de l’euthanasie d’un personnage : des documentaires animaliers et des paysages naturels magnifiques projetés sur grand écran défilent sous ses yeux. Le spectateur empathique comprend alors que ces scènes décrivent un monde qui n’existe plus. La technologie a remplacé un monde violent où s’entassent émeutiers affamés et gouvernants perfides par l’illusion d’un monde passé fantasmé.

À titre personnel, j’ai cru relever une allusion à Nietzsche lors d’une scène où le comité des sages déclare que « Dieu n’est plus là », en référence à sa célèbre citation « Dieu est mort ». Si telle était l’intention, on peut effectivement en déduire que l’Occident autrefois en déclin a finalement fini par sombrer dans une société totalitaire et nihiliste où les certitudes ont remplacé la vérité et l’hystérie collective prime sur le bon sens.

S’il n’a pas vocation d’être catastrophiste, ce film a cependant le mérite de nous alarmer sur des phénomènes qui nous semblaient impossibles il y a encore quelques années mais dont nous nous rapprochons pourtant dangereusement. Pour les plus sceptiques (ou les plus naïfs), dois-je vous rappeler que les premiers essais de viandes artificielles ou « in vitro » datent du début des années 2000 ? Impensable, n’est-ce pas ? Pourtant, le 3 décembre dernier, Singapour devient le premier pays au monde à autoriser la commercialisation de nuggets de poulets cultivés en laboratoire. Alors, science-fiction ou prémonition ?

N’attendez plus, découvrez la bande annonce du film juste en dessous et foncez le visionner si ce n’est pas déjà fait. Surtout n’hésitez pas, une fois le film visionné, à nous donner vos retours en commentaires en bas de cet article ou sur nos réseaux sociaux.