La démocratie aujourd’hui est un mot qu’on entend partout, à toutes les sauces et qui parfois est très mal compris par beaucoup. Notre partenaire HQ Élysée a décidé de mettre à plat ce terme et de nous proposer une explication courte mais complète des bases de la démocratie selon Lijphart. Voici donc leur article que nous publions avec plaisir sur la plateforme The Conservative Enthusiast et qui nous l’espérons, offrira des bonnes bases ou un complément à ce que vous connaissiez déjà. Comme vous le savez peut-être, tout membre est libre de proposer un article pour le publier sur la plateforme, qui est à disposition de tous les conservateurs.

Une démocratie meilleure que les autres ? La mesure de la démocratie selon Lijphart.

La démocratie. Voici un sujet bien complexe tant celle-ci peut prendre des formes disparates.

Chaque pays adapte son système démocratique plus ou moins en fonction de son histoire, de sa culture, de ses idées, c’est pourquoi sur un même continent nous pouvons nous retrouver avec des pays adoptant un système unitaire avec un gouvernement majoritaire comme la France ou des pays avec un système fédéral avec un gouvernement de coalition comme la Suisse.

C’est d’ailleurs précisément ce système Suisse qui était mis en avant par les manifestants durant la crise des Gilets Jaunes. Mais pourquoi était-il mis en avant ? Pourquoi celui-ci était considéré comme meilleur par les manifestants ? Et finalement, que disent les chercheurs sur la démocratie et ses différentes formes ?

Nous allons principalement nous intéresser au politologue Arend Lijphart qui s’est penché sur ce sujet dans son ouvrage Patterns of Democracy : Government Forms and Performance in Thirty-Six Countries.

Bien sûr, cette définition est uniquement celle proposée par le prisme de l’auteur et il faut rester conscient qu’il existe plusieurs manières très diverses d’aborder la démocratie, que ce soit dans ses formes (représentative, directe etc…) mais aussi dans ses modalités de fonctionnement (tirage au sort, répartition des pouvoirs etc…)

La démocratie : un système aux formes nombreuses

Comme évoqué dans l’introduction, la démocratie peut prendre plusieurs formes. Ainsi, vous n’aurez pas le même type de démocratie en Allemagne, en France ou aux États-Unis.

Avant de pouvoir commencer cet article, il nous faut une définition précise de la démocratie. Celle-ci pourrait se définir par un système politique dans lequel ceux qui font et appliquent les lois sont responsables devant ceux qui doivent obéir aux lois.

Celle-ci s’accompagne de trois critères, la responsabilité (donc des gouvernants), la tenue d’élections régulières et compétitives (donc avec plus d’un parti) et le suffrage universel et égal (donc chaque citoyen a le même poids dans son vote).

Parlons dans un premier temps de ces formes de démocratie libérale, des manières de partager le pouvoir dans ces pays dit démocratiques. Il existe deux types de gouvernement : le gouvernement présidentiel et le gouvernement parlementaire. Le premier se caractérisera par la présence d’un président élu par les citoyens, celui-ci nommera ses ministres, il légiférera conjointement avec le Parlement et aura entre ses mains les « executive orders » ou « décrets présidentiels » qui ont force de loi. Le gouvernement parlementaire lui se caractérise par la présence d’un chef du gouvernement (souvent Premier ministre) qui est nommé par le Parlement. Le Parlement peut forcer le cabinet à démissionner mais le gouvernement contrôle l’agenda du Parlement.

Cependant, comme vous pouvez sûrement le remarquer si vous êtes un peu familier aux systèmes démocratiques, des divergences se créent déjà dans ces systèmes. Prenons l’exemple de la France et des Etats-Unis, qui sont tous deux des régimes présidentiels. Si en France le président peut dissoudre l’Assemblée Nationale, son homologue américain ne pourra pas dissoudre le Parlement et tandis que le président américain pourra utiliser un droit de veto pour empêcher une loi de passer, son comparse français ne le pourra pas. Le système parlementaire n’est pas sans reste. En effet, par exemple en Suisse, démocratie qui a été élevée au rang de perfection par nombre de Français, le Parlement ne pourra forcer le gouvernement à démissionner ce qui est pourtant une caractéristique clé de ce système. Bref, vous le voyez ici, les systèmes divergent rapidement d’un pays à l’autre. Cependant, la démocratie ne va pas seulement se définir par cette opposition entre système présidentiel et parlementaire.

Les démocraties libérales sont aussi soumises à différentes visions, deux qui sont, en particulier, très importantes. La vision majoritaire contre la vision consensuelle. Cette vision majoritaire, qui est en état de quintessence au Royaume-Uni, prône que c’est la majorité des citoyens qui décide de la politique et des politiques gouvernementales. En effet, au Royaume-Uni, le gouvernement est nommé par la majorité parlementaire. La vision consensuelle, elle, prône que tous les citoyens doivent être représentés dans la démocratie, que tous les groupements les plus importants seront représentés et donc qu’un gouvernement de coalition doit être formé, système appliqué en Suisse ou en Allemagne. Il nous faudra ensuite prendre en compte les systèmes électoraux afin de mieux aborder le livre de Lijphart. Pour simplifier les choses, nous ne parlerons que des deux bases existantes : la base dite PR (proportional representation) et la base SMD (single-member districts). Le système PR (comme son nom l’indique) fera que les sièges seront attribués en fonction de la proportion de votes obtenus tandis que dans le système SMD, ce sera le candidat qui obtiendra le plus de vote qui gagnera le siège (de plus avec une vision « pluralitaire », le candidat n’aura aucun besoin d’obtenir 50% des votes, il peut gagner le siège avec 40% des suffrages si deux autres candidats font 30% et c’est d’ailleurs ce qui a permis au parti travailliste de remporter 55% des sièges au parlement avec seulement 35.2% des votes en 2005).

Tous ces éléments conduiront à différentes formes de démocratie et différents partages de pouvoir que ce soit entre les différents niveaux de gouvernement (fusion of power vs division of power) ou encore au niveau des instances entre les différents acteurs politiques (majority rule vs power-sharing). Ce sont tous ces éléments, qui ont tout de même été simplifiés ici, qui mènent à différents types de démocratie. Ce qui pourrait donner le tableau suivant :


 

 Système unitaireSystème fédérale
Gouvernement majoritaireRoyaume-Uni FranceÉtats-Unis Australie
Gouvernement de coalitionPays-Bas SuèdeAllemagne Suisse

La hiérarchisation de la démocratie selon Lijphart

La hiérarchisation de la démocratie selon Lijphart.

Lijphart dans son ouvrage Patterns of Democracy : Government Forms and Performance in Thirty-Six Countries va comparer, comme indiqué dans le titre, 36 pays comme la Grèce, la Suisse, la France, l’Espagne, l’Italie ou la Suède selon 10 variables afin de tenter de montrer la supériorité d’une démocratie sur les autres, qui selon Lipjhart est la démocratie consensuelle.
Lijphart va donc utiliser les 10 variables suivantes pour tenter de démontrer sa théorie :

  1. Le nombre effectif de partis politiques
  2. La concentration du pouvoir
  3. Les relations entre l’exécutif et le législatif
  4. La proportionnalité du système électoral
  5. Le système de groupe d’intérêts (pluraliste ou corporaliste)
  6. Le type de gouvernement (unitaire/centralisé fédéral/décentralisé)
  7. Le partage du pouvoir entre les deux chambres législatives
  8. La possibilité de modifier ou non la constitution
  9. Le contrôle judiciaire du pouvoir législatif
  10. L’indépendance des banques centrales

Lijphart arrive à la conclusion que ce sont effectivement les démocraties consensuelles qui sont les plus efficaces selon ses critères. Pour lui, les démocraties consensuelles présentent des avantages non-négligeables par rapport aux démocraties majoritaires. En effet, elles permettraient d’avoir un plus faible taux d’incarcération, des performances sociales plus importantes ou encore une représentation plus large de l’intérêt de tous les citoyens dans la politique. Selon Lijphart, les démocraties consensuelles sont donc forcément meilleures que les démocraties majoritaires et le système Suisse serait l’apothéose de la démocratie.

Cependant, il nous faut noter que le travail de Lipjhart possède des limites, comme tout travail scientifique. Celui-ci est ambiguë sur le nombre de démocraties existantes : y en a-t-il deux ou quatre, comme observées dans le tableau de la première partie ? De plus, Lijphart ne fait pas de distinction entre régime parlementaire et régime présidentiel. Cela a pourtant une importance capitale dans l’analyse de la démocratie. Même si les travaux de Lijphart restent un pilier de la politique comparée et de la comparaison de la démocratie, d’autres chercheurs se sont aujourd’hui intéressés à ce thème qui fait toujours débat. Finalement, peut-être n’y a-t-il pas une meilleure démocratie que les autres, chacune possédant des avantages et des inconvénients.

Et pour ceux qui voudraient dire que la Suisse possède un meilleur système que celui de la France, n’oubliez pas que les élections fédérales de 2019 ont réuni seulement 45% des votants au niveau national et seulement 38% des votants dans le canton de Genève, tandis que nombreux sont les groupes d’intérêts à tirer les votations publiques. 

Ce sujet de la démocratie est d’ailleurs un « micro-sujet » qui rentre dans des questionnements encore plus larges :

  • Qu’est-ce qu’une réelle démocratie et qu’est ce qui ne l’est pas ?
  • Existe-t-il des alternatives à la démocratie ?
  • Est-ce que la démocratie est le meilleur système ou non ?
  • Quelle est l’histoire de la démocratie ?

Et bien d’autres questions légitimes qui peuvent se poser.

Nous espérons que ce bref article sur la démocratie offrira à certains une base de réflexion et nous vous encourageons à consulter le compte de HQ Élysée qui offre beaucoup d’approches courtes et concises sur des phénomènes de société. Pour les Membres de The Conservative Enthusiast, vous pouvez retrouver à tout moment leur compte sur notre page « Partenaires » à l’intérieur de notre espace membre.